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17 févr. 2014

GERCIE (Univ. Fr. Rabelais, Tours, Sc. Po Bordeaux) et CERAP (Univ Paris 13 – COMUE Sorbonne-Paris Cité) colloq internat. Appel à contributions: "Dialogue des juges ou concurrence des juges? Le dialogue en question(s)", Tours, oct. 2015 (limite: 15 déc. 2014)

Information transmise par P.-Y. Monjal:
GERCIE de l’Université François Rabelais de Tours, Sciences Po Bordeaux
CERAP de l’Université Paris 13 – PRES Sorbonne-Paris cité
Colloque international de Tours - octobre 2015 (2 jours)
Appel à contributions

Dialogue des juges ou concurrence des juges?
Le dialogue en question(s)

Tours
Octobre 2015 (2 jours)
(limite: 15 décembre 2014)
Organisation scientifique
  • Pierre-Yves Monjal, Professeur de droit public, Université François Rabelais de Tours, GERCIE-CERAP-P13.
  • Pascal Jan, Professeur de droit public, Sciences Po Bordeaux, Président de l'Institut Français des Sciences administratives, Vice-président du Cercle des Constitutionnalistes.
Comité scientifique
  • Claude Blumann, Professeur émérite de droit public, Université Paris II Panthéon-Assas.
  • Thomas van Danwitz, Juge à la Cour de justice de l’Union européenne.
Comité de lecture et publication des actes prévus

Argumentaire scientifique
L’emploi de l’expression «dialogue des juges» est récurrent. Élément de langage pour les uns, pseudo notion pour les autres, il s’avère parfois périlleux pour les juristes de définir cet objet. Et si ce dialogue des juges n’était en réalité qu’une question de concurrence, notamment, mais bien entendu pas seulement, dans le domaine des droits et libertés? 

Ce dialogue a-t-il vraiment existé un jour? Cette expression, qui en droit public remonte à la fin des années soixante-dix (B. Genevois, concl., Aff. Cohn-Bendit, 1978), constitue depuis lors l’alpha et l’oméga de la réflexion relative aux relations inter-juridictionnelles. Elle corsette avec force toute la 
pensée et les analyses portant sur ce sujet. Désormais, tout est dialogue des juges entre les cours constitutionnelles, entre elles et les juges européens, entre ces deux derniers(1)... Osons le dire ainsi: le dialogue des juges, comme le déficit démocratique de l’Union ou encore l’européanisation du droit interne relèvent probablement des ces lieux communs détournant l’attention de ce sur quoi il conviendrait sans doute la porter et qui est en réalité la concurrence que se livrent les juges.

L’objet de la démarche entreprise par les organisateurs de cette manifestation scientifique est de reprendre la réflexion sur ces relations inter-juridictionnelles, mais sous un prisme totalement différent — concurrentiel — dont on pense qu’il ouvrira des perspectives nouvelles en plus très certainement de permettre de procéder à des lectures «rétroactives» de certaines décisions appréhendées sur le moment sous l’angle du dialogue. 

L’argumentaire est le suivant: les juridictions sont des institutions dirigées par des hommes et des femmes qui exercent un pouvoir (une autorité) décisif dans les ordres étatiques et tout particulièrement sur le terrain des droits fondamentaux. Ces derniers sont au coeur de nos démocraties, de leur identité et de leur force. Celui qui les contrôle, les applique, dessine leurs contenus et contours... exerce le pouvoir ; pouvoir qui ne se partage pas par définition.

Les juges suprêmes et européens, au fond, se situent sur un «marché concurrentiel» — celui des droits fondamentaux en particulier(2) — à l’intérieur duquel une pluralité d’acteurs intervient. Leur objectif est clairement d’être les mieux disant dans ce contexte. La concurrence entre les juges, autrement dit, se situe précisément à ce point de rencontre entre la demande de protection des droits et l’offre juridictionnelle. Celui qui sera le mieux disant sera forcément celui qui dit le droit (juris dictio) en dernier.

La place pour le dialogue peut donc sembler illusoire et même trompeuse. Illusoire, car sont en cause des logiques de pouvoirs très puissantes et clairement politiques que la notion de dialogue est incapable de saisir ; trompeuse si elle confine à des « ententes entre juges » visant à abaisser le niveau de protection des droits et libertés garantis. C’est ainsi qu’envisager un juge européen unique dans l’hypothèse où l’Union adhèrerait effectivement à la Convention de 1950, n’est pas de nature à rassurer dans la mesure où nous serions en présence d’un monopole institutionnel, politique et «idéologique» sans contrôle. La concurrence entre la Cour de Strasbourg et celle de Luxembourg ne doit-elle pas être maintenue afin d’élever sans cesse les standards applicables? Cette concurrence n’est-elle donc pas indispensable dès lors qu’elle a pour objet et vocation à toujours mieux servir les droits et libertés, donc la démocratie?

Le recours inattendu aux concepts économiques pour aborder ce sujet que l’on pouvait penser clos ne doit pas donner l’impression que la recherche envisagée se réduirait (et s’épuiserait) à (dans) à une approche de type science économique.

L’objectif est bien plus large et l’emploi de cette terminologie économique montre que d’autres points d’entrée sont envisageables pour «déconstruire» l’idée de dialogue. Par ailleurs, la recherche ne saurait se cantonner qu’à la seule question des droits et libertés fondamentaux (européens ou non). 

Certes, ce sujet est très mobilisateur et sans doute très révélateur de cette concurrence. Pour autant, d’autres pistes de réflexion peuvent être explorées.

Notes;
1. Pour une illustration récente, D. Simon, «Dialogue des juges et droits de l’homme: en 2014, j’écris ton nom?», Europe, 2014/1, p. 1 et s.
2. «Du point de vue du constitutionnaliste, dans l’analyse des relations qui s’instaurent entre les juridictions suprêmes entre-elles et les juges européens, le biais concurrentiel peut s’avérer évidement très riche et sans doute même peut-il se substituer à cette idée de dialogue», J. Rossetto, «Pluralisme des ordres juridiques et stratégies jurisprudentielles quelques observations sur la jurisprudence du conseil constitutionnel relative au droit de l’union européenne» in Mélanges en l’Honneur du Professeur F. Hervouët, à paraitre.

Thématiques de recherche
Nous proposons dans ce qui suit un certain nombre de thématiques très ouvertes à la réflexion sous forme d’une liste (non limitative) mais aussi sous une forme plus problématisée à l’intérieur de laquelle des champs de réflexion peuvent s’ouvrir et s’inscrire dans notre argumentaire général.

Liste des thèmes soumis à réflexion 
Les thématiques peuvent se recouper et d’autres peuvent être proposées
  • (Ré)interroger la notion de dialogue des juges
  • Relire les conclusions Genevois de 1978
  • Les significations du terme dialogue
  • Dialogue, monologue et maïeutique socratique
  • Sacralisation du dialogue et stratégie de détournement ou d’évitement des conflits
  • Qui parle de dialogue et à quelles fins?
  • «Ni gouvernement des juges, ni guerre des juges...», les faces cachées du dialogue des juges
  • Substituions de la notion de concurrence à celle de dialogue: éléments pour une théorie
  • Concurrence et justice: quelles significations pour le juriste
  • Marchés des droits et libertés: quelles significations pour le juriste
  • Droit et analyse économique en matière juridictionnelle
  • Concurrence des juges et décisions des juridictions suprêmes polonaise et tchèque
  • Juges européens (CEDH/UE) et concurrence de la fondamentalité
  • Juge constitutionnel et administratif et concurrence des droits fondamentaux
  • Droit constitutionnel, droit administratif et notion de concurrence des juges
  • La concurrence des juges en matière de droit pénal européen
  • Droit des marchés publics, des activités de SIEG et concurrence des juges
  • Le droit économique (national et/ou européen) et la concurrence des juges
  • QPC, CJUE, CeDH et droits et libertés fondamentaux
  • Questions préjudicielles et CEDH: Quid du protocole 16?
  • La QPC 314 du conseil constitutionnel – Affaire Foster
  • Relire les avis de la Cour de justice relatifs à l’adhésion de l’Union européenne à l’EEE et à la CEDH
  • Logiques institutionnelles et de pouvoir des juges (entre les juges)
  • Les autres espaces de la concurrence des juges (médias, déclarations...)
  • Les juges: formations, discours, conscience de la fonction, exercice de la juris dictio
  • Idéologie et juges
  • Conscience ou sentiment du pouvoir chez les juges
Problématisation des champs thématiques
Non exclusive

La mise en ordre des interactions entre le système juridique de l’Union et des autres systèmes juridiques, nationaux, européens et internationaux, devait se faire normalement selon un dialogue orchestré voire spontané. Or, les diverses visions de l’Europe, souvent bien éloignées les unes des autres, les pouvoirs et les politiques juridiques des juges sensiblement différents, la décentralisation judiciaire accrue ne serait-ce que du fait des différents élargissements de l’Union, semblent de plus en plus favoriser la concurrence entre les juges. Quel juge, tout juge, peut-il être l’ordonnateur suprême de ces ensembles juridiques «désordonnés»? La pluralité des normes enchevêtrées n’a-t-elle pas besoin d’une certaine cohérence, voire d’une certaine hiérarchie? Comment s’opère concrètement dans les différentes politiques de l’Union une telle concurrence?

La concurrence entre juges se manifeste tout d’abord en matière de régulation des compétences. Quel juge est-il compétent pour dire le droit européen: CJUE, Cour EDH, juridictions constitutionnelles et suprêmes? La pluralité des juridictions, toutes compétentes, favorise la concurrence entre elles. Ne peut-on parler d’exclusivité, de hiérarchie plutôt que de partage de compétences contentieuses en matière de droit européen, au profit du juge de l’Union et de la Cour européenne des droits de l’homme. La récente jurisprudence de la CJUE relative à la mise en cause de la responsabilité des Etats membres du fait du manquement judiciaire imputable à leurs juridictions semblent l’impliquer. La Cour européenne des droits de l’homme, intervenant en dernière instance pour censurer les juges nationaux et de l’Union et sa jurisprudence relative à la théorie de l’équivalence, ne se comporte-t-elle pas déjà comme une Cour suprême que l’éventuel adhésion de l’Union à la CEDH ne fera que conforter.

La concurrence entre juges se manifeste également en matière de régulation normative. Comment s’opèrent l’ordonnancement et les rapports entre systèmes juridiques différents et normes entrelacées? Plus précisément quel statut de chaque ordre juridique (national, régional transnational) au sein de l’autre? Les juges, n’organisent-ils pas la concurrence normative en accordant la primauté au temple juridique auquel ils appartiennent et qu’ils sont censés défendre, comme le démontre amplement la jurisprudence récentes de la Cour de justice (Kadi) et des juridictions constitutionnelles de certains Etats membres (Lisbonne). N’existe-t-il pas en matière d’interaction des normes, par la voie de création, de pénétration, de transfert d’un système vers l’autre, une certaine concurrence?

La concurrence entre juges se manifeste enfin en matière de régulation des politiques de l’Union. A titre d’exemples, la vision juridique, l’approche philosophique n’est pas forcément la même pour chaque juge appartenant à un ordre juridique différent et parfois au même ordre juridique, que ce soit en matière de droit pénal européen (mandat d’arrêt européen, non bis in idem...) des droits fondamentaux, des marchés publics et services publics, etc.

Calendrier prévisionnel
  • Février 2014:  Appel à contribution.
  • 15 décembre 2014: Date limite de réception des propositions de contribution.
Il est envisagé d’assurer la publication de contributions même sans communication (nom, prénom, titres et fonctions, Université et laboratoire de rattachement, résumé d’une page maximum de la proposition de contribution, listes de mots clés)
  • 15 mars 2015: Sélection des contributions.
  • 15 mai 2015: Élaboration du programme du colloque.
  • 30 juin 2015: Date limite de réception des articles (60 000 signes max.) pour publication.
  • Fin octobre ou début novembre 2015 – sur 2 jours: Organisation du colloque à la Faculté de droit de Tours.
  • Fin 2016: Publication des actes – Bruylant.
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