Information transmise par M. Soula:
Appel à contributions
numéro spécial de
numéro spécial de
Criminocorpus, le portail sur l'histoire de la justice,
du crime et des peines
Dossier thématique: Figures de faux-monnayeurs
(du Moyen Âge à nos jours)
(limite: 30 juin 2010)
"Bouhin me confia un secret qui me fit trembler:
cet homme fabriquait habituellement de la fausse monnaie".
Eugène François Vidocq, Mémoires, 1828.
Depuis le Moyen Âge, la figure sociale des faux-monnayeurs a effrayé ses contemporains autant qu’'elle les a fascinés car «en usurpant une fonction sainte, on s’'attaquait à Dieu à travers le roi, donc à l’'État, à la société, quadruple offense méritant les pires châtiments, pour l'’exemple» (Michel Braudeau, Faussaires éminents, 2006). Certains faussaires, comme le suisse Joseph Samuel Farinet (1845-1880) sont même devenus de véritables héros nationaux.
Le faux-monnayage implique tous les particuliers qui abusent de la monnaie: fabricateurs, distributeurs, rogneurs, billonneurs, voire le prince contrefacteur. En fait, toute autorité dont la détention du jus monetae est considérée comme usurpée, ou dont l'’usage est stigmatisé comme illégal et contraire à l’'intérêt général, relève des problématiques du faux monnayage. Le faux, parce qu'’il nécessite la construction de cette qualification, ne saurait se réduire à la seule évaluation des métaux précieux qu’'il contient. Du Moyen Âge à l’'époque contemporaine, si l'’invention du faux en matière monétaire résulte de l'’activité des contrefacteurs, elle dépend également de la réception des fausses pièces par les collectivités humaines. Il s'’ensuit divergences d'’appréciations de la valeur et conflits politiques.
Du jugement de Jacques Coeœur en 1453, à l'’affaire du surintendant Nicolas Fouquet accusé, en 1661, de péculat et de billonnage sur ordre du roi Louis XIV et de Colbert; ou encore au jugement de John Law, dont la banqueroute commence dès lors qu'’il est convaincu de fausseté en 1720; l'’ombre du faux monétaire traverse ainsi les grands procès politiques des trésoriers et des financiers du roi.
Mais, la figure du faux-monnayeur déborde largement le cadre des financiers et vient porter le scandale au coeœur de la Cour de France ou des élites politiques de la Troisième république. L'’affaire des poisons (1679) qui finira par impliquer la maitresse de Louis XIV, madame de Montespan, commence par la découverte de faux monnayeurs alchimistes. L'’affaire Stavisky, qui ébranla la classe politique française des années 1930, trouve son origine dans l'’arrestation du directeur du Crédit municipal de Bayonne, Gustave Tissier pour fraude et circulation de faux billets.
Enfin, le visage du contrefacteur s'’incarne dans la figure sociale du bandit, ennemi du roi et de la patrie. C'’est le cas du bandit morisque qui au début du XVIIe siècle défie la monarchie hispanique en Catalogne et dans le royaume de Valence, et dont Victor Hugo garde encore la mémoire au XIXe siècle dans L'’homme qui rit (1869). On peut le dire aussi de la figure du royaliste qui, dans l'’esprit des partisans de la Révolution Française, falsifie les assignats pour comploter contre la République française. Mais la figure du bandit contrefacteur est autant stigmatisée qu'’elle est célébrée. Elle devient celle du héros de la résistance face à un pouvoir souverain qui s'’abat sur des territoires périphériques, d'’un Farinet qui s'’érigerait en justicier des plus démunis.
Cette héroïsation du bandit contrefacteur en fait le succès. Ainsi les «mémoires» du faussaire britannique Charles Black connurent une grande fortune au moment de leur parution en 1989. Les sources historiques des grandes affaires de faux-monnayage ne se résument donc pas aux actes de procès politiques majeurs et retentissants. Les canards de l'’Ancien Régime, la presse, les pamphlets politiques, et la littérature sont autant de supports à la construction de l'’image sociale du faux monnayeur. Les récits peuvent même déboucher sur une tradition légendaire, comme celle de la femme faussaire dans les Landes aux XIXe et XXe siècles (Bernard Traimond).
L'’objet de ce dossier thématique est donc de réunir quinze articles (d’environ 50000 signes chacun) sur les grandes figures du faux-monnayage occidental, en privilégiant celles qui donnèrent lieu à des procédures judiciaires extraordinaires ou qui eurent un impact important sur l’'opinion publique, lui reconnaissant ainsi son caractère scandaleux. Le choix de la longue période (du Moyen Âge à nos jours) doit permettre d'’esquisser les évolutions de la perception du faux-monnayage dans les sociétés occidentales et de l'’exercice de la souveraineté judiciaire. Il implique d'’associer à ce dossier thématique aussi bien des historiens du fait judiciaire que des anthropologues ou des historiens des réseaux sociaux et de l’'économie.
Coordination
Coordination
- Olivier Caporossi (maître de conférences en histoire moderne, Université de Pau et des pays de l'Adour)
- Marc Renneville (Ministère de la justice-Centre A. Koyré, Paris)
- Pascal Bastien (UQAM, Montréal)
- Hélène Bellanger (Sciences Politiques, Paris)
- Ricardo Campos Marin (CSIC, Madrid); Neil Davie (U. Lyon)
- Nicolas Derasse (U. Lille)
- Jean Claude Farcy (CNRS, Dijon)
- Martine Kaluszynski (CNRS, Grenoble)
- Pierre Prétou (U. La Rochelle)
- Douglas Starr (U. Boston)
- Jean Claude Vimont (U. Rouen)Elise Yvorel (Association pour l'Histoire de l'Enfance irrégulière).
Les propositions de communication (nom de l'auteur, laboratoire de recherche, titre et résumé de la proposition ne dépassant pas une page) sont à envoyer (avant le 30 juin 2010) à l'adresse suivante: olivier.caporossi@wanadoo.fr