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1 juin 2010

Podcasts Canal Académie: "Henri IV: rumeurs, complots et légendes", avec Y.-M. Bercé, "La notion de "Crime contre l’humanité", de 1945 à 2010: histoire et variations pour des transformations possibles", avec M. Delmas-Marty - "Entretien" avec M. Delmas-Marty, & "L’autorité en démocratie", par Fr. Terré.

Information transmise par A.-S. Chambost:
Podcasts
Canal Académie
  1. - Henri IV: rumeurs, complots et légendes, Avec Yves-Marie Bercé, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
  2. - La notion de "Crime contre l’humanité", de 1945 à 2010: histoire et variations pour des transformations possibles, avec Mireille Delmas-Marty. Entretien avec Mireille Delmas-Marty, du Collège de France et de l’Académie de sciences morales et politiques.
  3. - L’autorité en démocratie, par François Terré.

1. - Henri IV: rumeurs, complots et légendes
 Avec Yves-Marie Bercé, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres

Yves-Marie Bercé retrace le génie secret dont fit preuve Henri IV pour mettre en scène sa propre légende. Historien à la fois de la grande histoire politique traditionnelle et des opinions populaires, des révoltes, des complots, des conjurations et des moments inachevés de l’histoire, l’académicien détaille ici les éléments de l’assassinat du roi.

Emission proposée par : Anne Jouffroy 
Référence : HIST605
Adresse directe du fichier MP3 : http://www.canalacademie.com/emissions/hist605.mp3
Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/ida5823-Henri-IV-rumeurs-complots-et.html
Date de mise en ligne : 30 mai 2010
 
Présentation 
L’étude des rumeurs est une nouvelle source de l’histoire. Elle révèle les espérances, les angoisses, les engagements et les partis pris qui animent les peurs et les émotions populaires. Le « Bon Roi Henri » le savait déjà et semble avoir toujours été fort attentif aux réactions populaires. Il connaissait les virtualités de l’opinion publique. Sa compréhension allait jusqu’aux aspects irrationnels des représentations, des légendes et des rumeurs. Il s’appliqua à s’identifier à l’image mythique ou traditionnelle du bon prince et à imposer cette image dans les écrits populaires. Quelques exemples de ces rumeurs apologétiques, écrits de propagande, gestes symboliques illustrent la politique d’Henri IV :
  • Le rite des écrouelles par lequel les rois de France guérissaient les scrofuleux. Le roi Henri aimait respecter cette coutume : il semblait y découvrir une preuve intime de sa légitimité et de sa vocation et, peut-être aussi, un réconfort dans les tourments de sa conscience.
  • Le récit - bienvenu pour le mythe fondateur du nouveau roi Bourbon - mettant en scène le «Grand Veneur», un personnage fantastique issu de la forêt, qui lui serait apparu au cours d’une chasse ;
  • Le prénom du dauphin Louis, prénom un peu démodé pour les rois en 1601, mais qui rappelle Saint-Louis. Il s’agit d’une part d’affirmer que la dignité royale d’Henri IV résulte d’un droit qui défie les siècles et non d’une opportunité politique imposée par les événements, et d’autre part que la catholicité de sa couronne n’est pas le résultat d’un calcul momentané mais vient d’un héritage d’un héros de la sainteté.
 
Peter Paul Rubens - La Réconciliation d’Henri III et d’Henri de Navarre (1628, Oil on panel)

Henri IV se présentait comme le héros providentiel de l’instant, victorieux et glorieux, marqué du destin, envoyé de la providence et identifié au salut du royaume et de son peuple.

Complots et conspirations furent nombreux, cependant, sous son règne alors que depuis 1598, avec le Traité de Vervins et l’Édit de Nantes, la paix était revenue dans le royaume. Henri IV avait signé, en effet, deux documents essentiels: le Traité de Vervins arrêtant les hostilités avec la couronne d’Espagne et l’Édit de Nantes consacrant la paix religieuse en France. Cette politique pacifiste tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays répondait bien plus à des sentiments de lassitude générale et de résignation de tous les belligérants qu’à la mise en œuvre de principes d’une politique moralisée.

Le 14 mai 1610, vers quatre heures de l’après-midi, Henri IV traversait Paris du Louvre à l’Arsenal pour observer les travaux de décoration de la fête du dimanche suivant en l’honneur de la reine Marie de Médicis sacrée la veille à St Denis. Parvenu rue de la Ferronnerie, dans un étranglement du seul axe-ouest de la rive droite, alors que le carrosse du roi s’était mis au pas, un forcené, se penchant par la portière, porta deux coups de couteau à un Henri IV qui mourut quelques minutes après.

L’affaire Ravaillac ne faisait que commencer ; le meurtre du roi et ses conséquences capitales pour la France et l’Europe était-il : 
    • un accident imprévisible ?
    • l’œuvre d’un dément ?
    • le résultat d’un complot ?
    • l’aboutissement d’une longue crise de confiance ?
Il semble que Ravaillac ait répondu implicitement à ces questions. Torturé avec acharnement, il n’a jamais donné le nom d’un quelconque complice. Cette attitude de la part d’un coupable avéré, qui n’avait plus rien à perdre, donne à penser qu’il avait agi seul.

La franche impopularité du roi en 1609 et 1610 fut remplacée dès la nouvelle de sa mort par une sincère et universelle émotion, même une «déploration»: projets de guerre, scandales sentimentaux, impôts... Tout fut oublié et on ne se souvint plus que des mérites historiques du roi.

Henri IV a rejoint, ainsi, son cher Saint-Louis dans le Panthéon des «Bons Rois» populaires et emblématiques des souverains de France.

A écouter aussi :


2. - La notion de "Crime contre l’humanité", de 1945 à 2010: histoire et variations pour des transformations possibles, avec Mireille Delmas-Marty
Entretien avec Mireille Delmas-Marty, du Collège de France et de l’Académie de sciences morales et politiques

Qu’est-ce qui fait la particularité du "crime contre l’humanité" avec les autres crimes internationaux ? Ethique et philosophie viennent en complément du droit dans la pensée de Mireille Delmas-Marty. En posant, depuis plusieurs années déjà, le droit comme valeur, ce professeur du Collège de France analyse cette dénomination pénale et cet outil du droit comme une double référence qui fait de "l’humanité" une victime et une valeur à défendre. Voici son éclairage sur cette notion, née en 1945, son évolution et ses variations, dans le contexte de la mondialisation et du développement durable.

Emission proposée par : Marianne Durand-Lacaze 
Référence : ECL621
Adresse directe du fichier MP3 : http://www.canalacademie.com/emissions/ecl621.mp3
Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/ida5429-La-notion-de-Crime-contre-l.html
Date de mise en ligne : 7 mars 2010

Qu’est-ce qui distingue le crime contre l’humanité de tous les autres crimes ? La gravité ?
Dans la pensée de Mireille Delmas-Marty, éthique et philosophie viennent en complément du droit. En posant, depuis plusieurs années déjà, le droit comme valeur, Mireille Delmas-Marty, analyse cette fois, cette dénomination pénale et cet outil du droit dans un ouvrage collectif, Le crime contre l’humanité publié au PUF, en septembre 2009.
Mireille Delmas-Marty, membre de l’Académie des sciences morales 
et politiques et professeur au Collège de France
© Emmanuelle Marchadour

La notion de crime contre l’humanité fut inscrite dans le statut du Tribunal de Nuremberg en 1945. Son entrée fut alors discrète mais eut le mérite de la placer d’emblée au niveau international. Puis, rapidement, elle fut reprise dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Il faut attendre 1994 pour qu’elle soit par exemple inscrite, en France, dans le nouveau code pénal, en 1994. La mise en place du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, lui permit d’acquérir une autonomie certaine, que le contexte des décennies précédentes n’avait pas favorisé. L’ouvrage traite de la formation de la notion en droit international puis examine sa réception dans différents droits nationaux (droits internes) et enfin s’interroge sur ses transformations possibles pour répondre aux défis du XXI e siècle, mondilisation des risques et des menaces à propos du terrorisme, de la protection de l’environnement et des pratiques de biotechnologie, de clonage et d’eugénisme. C’est une notion complexe, évolutive, qui renvoie à la fois à une catégorie de crimes internationaux et à une catégorie englobant d’autres crimes comme le génocide, l’apartheid ou les disparitions forcées. Elle est demeurée longtemps inexploitée du fait de l’impossibilité de faire juger de tels crimes par des juges internationaux. Les projets se sont accumulés sans lendemains. Comme le rappelle Mireille Delmas-Marty au cours de cet entretien, il a fallu l’horreur et la violence des guerres de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda pour amener le Conseil de sécurité des Nations-Unies, par une simple résolution et non par une convention internationale, à créer ces tribunaux : une procédure très rapide. Après Nuremberg, on avait discuté sur la création d’une cour pénale internationale. Elle nous précise même, qu’avant la Seconde guerre mondiale, des juristes avaient proposé la création d’une telle cour à propos du terrorisme. Une question remise à l’ordre du jour, depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Derrière le crime contre l’humanité, Mireille Delmas-Marty place trois principes indissociables. 
  • Premièrement, chaque être humain est singulier,
  • deuxièmement l’égale appartenance à la communauté humaine (l’égale dignité, une valeur universelle)
  • et enfin, un principe d’indétermination. L’être humain ne peut pas être enfermé dans une prédétermination. 
Pourtant là, réside la caractéristique de l’être humain par rapport aux autres êtres vivants. Cette part d’indétermination n’est autre que la liberté, le libre-arbitre. Or on sait, nous dit-elle, que les enfants nés d’un clonage ne seront pas forcément identiques et qu’une reproduction non sexuée réduit la part de hasard, donc une part de cette indétermination, qui fait partie de la liberté humaine. Prédéterminer le patrimoine génétique de l’enfant ainsi cloné touche à la fois à des questions d’ordre juridique et philosophique. Des sanctions sont prévues, nous apprend-t-elle, curieusement un peu moins lourdes que pour les crimes contre l’humanité. Si on voulait adopter une convention internationale élargissant ce genre de pratique au crime contre l’humanité, Mireille Delmas-Marty propose de ne pas incriminer tout comportement isolé d’eugénisme ou de clonage pour ne pas bloquer la recherche scientifique, mais incriminer des comportements massifs, collectifs et systématiques. En France, le droit national, peut déjà sanctionner un comportement isolé d’eugénisme. Le droit international pourrait s’occuper des pratiques collectives et systématiques à l’avenir.

Elle entrevoit également l’élaboration d’une notion de crime contre la sûreté de la planète, pour répondre aux défis climatiques et aux questions d’environnement, des points essentiels abordés dans l’ouvrage : terrorisme écologique, crime contre l’environnement, le crime d’écocide en droit russe et présente un récapitulatif des textes internationaux sur ces questions.

Un livre à lire pour prendre part au débat sur l’évolution proposée du droit pour hisser les crimes contre l’environnement les plus graves au sommet de la hiérarchie en droit pénal. Un livre surtout pour réfléchir à l’humanité comme valeur commune.

Extrait : En définitive, l’interdit de l’inhumain doit rester évolutif, se construisant tantôt dans la continuité, du crime de guerre au crime contre l’humanité, tantôt dans l’indivisibilité qui lie l’humanité humiliée ou exterminée à l’espèce humaine fabriquée, tantôt en termes de complémentarité, des personnes à l’environnement. Comme l’inhumain, lui -même, et comme le vivant, le crime contre l’humanité est toujours en devenir.


Pour en savoir plus 
Mireille Delmas-Marty est professeur au Collège de France. Isabelle Fouchard est chercheur associé attachée à la Chaire d’études juridiques comparatives et internationalisation du droit du Collège de France. Emanuela Fronza est professeur assistant à l’Université de Trente. Laurent Neyret est maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin
Mireille Delmas-Marty, Libertés et sûreté dans un monde dangereux, Édition du Seuil (sortie 4 février 2010) 

Retrouvez Mireille Delmas-Marty sur Canal Académie dans d’autres émissions et prochainement à propos de son dernier livre Libertés et sûreté dans un monde dangereux .
Source: http://www.canalacademie.com/ida5429-La-notion-de-Crime-contre-l.html


3. - L’autorité en démocratie, par François Terré Une communication prononcée à l’Académie des sciences morales et politiques

L’autorité semble en chute libre ! Le concept connaît un recul que le juriste François Terré, de l’Académie des sciences morales et politiques, a analysé devant ses confrères réunis en séance. Quelles nuances entre autorité et pouvoir ? Pourquoi ce recul de l’autorité et quels en sont les effets sur notre démocratie ? Finalement, qu’est-ce que l’autorité aujourd’hui dans notre société et qui la détient réellement ?

Référence : ES577
Adresse directe du fichier MP3 : http://www.canalacademie.com/emissions/es577.mp3
Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/ida5645-L-autorite-en-democratie-par.html
Date de mise en ligne : 11 avril 2010

Poursuivant ses travaux de réflexion sur le thème de la démocratie, thème choisi pour l’année 2010 par le président Jean Mesnard, l’Académie des sciences morales et politiques réunie en séance, a écouté, le lundi 29 mars 2010, le juriste François Terré dans une communication intitulée « L’autorité en démocratie ». Canal Académie l’a enregistré pour vous, écoutez-le. (le texte ci-dessous n’est qu’un résumé). Pour connaître l’intégralité des propos de F. Terré, il convient de l’écouter ou de lire son texte sur le site de l’Académie http://www.asmp.fr/travaux/communications/2010_03_29_terre.htm

Il s’agit bien de l’autorité "dans" ou "en" démocratie et non de l’autorité "de" la démocratie ! Première précision donnée par François Terré qui ne reprend pas l’origine du mot démocratie mais souligne tout de même qu’entre celle du monde antique et celle du monde moderne, il y a sûrement de fortes différences, de même qu’entre la démocratie réelle et la théorique... 
François Terré, de l’Académie des sciences morales et politiques

Ensuite, il élimine des acceptions de l’autorité : il ne parle pas des institutions, des commissions et autres "Hautes Autorités" (il n’y en a jamais de basses...).

Enfin, il rappelle les 4 types d’autorités définis par Alexandre Kojève (1902-1968), autorité qui tient à des personnages :
  • l’autorité du père (parents, gens âgés, défunts par testament, ...)
  • l’autorité du maître (noble/vilain, militaire/civil, vainqueur/vaincu, ...)
  • l’autorité du chef (leader, duce, furher...)
  • l’autorité du juge (arbitre, contrôleur, confesseur...)
François Terré préfère aborder le sujet en examinant trois périodes : l’essor du concept d’autorité, son recul, la nostalgie qu’on en garde.

1 - l’essor

Comme tout concept, l’autorité a un moment de naissance : à Rome. Mais F. Terré la distingue de auctoritas (qui vient non pas d’autoriser mais d’augere, augmenter) et de potestas.
L’autorité comme valeur : elle ne se confond ni avec le pouvoir ni avec la persuasion. Elle requiert toujours l’obéissance (mais sans violence ni persuasion) ou au moins la coopération.

2 - le recul
Puis le concept d’autorité a reculé. François Terré fait remarquer qu’on ne parle plus maintenant "d’autorité paternelle" mais "d’autorité parentale", ce qui, pour le juriste de la famille qu’il est, est loin d’être la même chose...
Pourquoi ce recul ? Il note deux causes (reprendant d’ailleurs les réflexions d’Hanna Arrendt) :
  • le recul de la tradition, amoindrissement de la puissance du passé,
  • le recul de la religion, mise en doute de la vérité religieuse.
Les effets de ce recul : ils sont nombreux dans de multiples domaines. Il n’est qu’à considérer l’essor des réflexions (thèses, études, livres) sur "la désobéissance civile" par exemple ("on n’a pas attendu José Bovet", dit F. Terré qui développe assez longuement ce concept de désobéissance dans les faits et dans la loi).

3 - Nostalgie
  • nostalgie de l’autorité de la loi (septicisme),"mais il faut cesser de dire "il y a trop de lois", car on dit cela depuis la nuit des temps !". Ce qui est mauvais, ce n’est pas le pullulement des lois mais leur instabilité...
  • Qu’est-ce qui fait autorité dans notre société aujourd’hui ? Les médias, ou du moins, la potentia de l’opinion...les sondages, les palmarès, les listes des premiers... etc. C’était déjà le cas à Rome : l’influence de l’opinion devient vite abusive. Mais l’influence n’est pas l’autorité, bien qu’il soit difficile de les distinguer.
Revenir à l’essentiel: l’éducation
En conclusion, François Terré a choisi de revenir à l’essentiel: l"’éducation où l’autorité repose sur une relation nécessairement inégalitaire. Or, nous vivons dans une démocratie où le modèle est égalitaire et libérale, a-t-il encore souligné, A un mauvais usage de la liberté s’ajoute un mauvais usage de l’égalité, disons plutôt un ravage de l’égalitarisme qui se recommande d’un esprit démocratique dévoyé...

Alors faut-il désespérer ? 
  • Non, continuons à espérer dans notre recherche de l’autorité perdue ! Et revenons à la philosophie antique : Un retour à la leçon de la philosophie antique porte à penser que l’éducation, alors au coeur de la pensée grecque, s’impose aujourd’hui, quand on s’interroge sur l’autorité en démocratie. La réflexion affecte tout le devenir de la pensée contemporaine...

Lire le texte de la communication de F. Terré sur le site de l’académie :
http://www.asmp.fr/travaux/communications/2010_03_29_terre.htm