Centre d’histoire «Espaces et Cultures» (université Clermont 2)
Société des études robespierristes
Institut d’histoire de la Révolution française (université Paris 1-Sorbonne)
Appel à contribution
Colloque
Les nuits de la Révolutions française
Clermont-Ferrand
5-6 septembre 2011
(limite: 1 janvier 2011)
Résumé Colloque co-organisé par le Centre d’histoire «Espaces et Cultures» (université Clermont 2), la Société des études robespierristes et l’Institut d’histoire de la Révolution française (université Paris 1-Sorbonne) à Clermont-Ferrand les 5 et 6 septembre 2011.
Présentation
Les travaux de Simone Delattre (Les Douze heures noires. La nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2000) et d’Alain Cabantous (Histoire de la nuit, XVIIe-XVIIe siècle, Paris, Fayard, 2009) ont montré tout l’intérêt des études sur ce moment si particulier qu’est la nuit dans la vie privée et collective des individus, pour leur vécu comme pour leur imaginaire. Le second s’est attaché, au carrefour de l’histoire des mentalités, de l’anthropologie et de l’histoire sociale, à analyser les interactions subtiles et complexes entre les systèmes de représentations et les enjeux sociaux de la nuit dans une Europe du Nord-Ouest et du Sud qui fait la part belle à la France, au Royaume-Uni, à l’Espagne et à l’Italie. Il mobilise les sources les plus diverses pour démonter la construction idéologique, mentale et littéraire de l’espace-temps nocturne, avant de le peupler des pratiques qui lui sont propres (travail, veillées, fêtes, liturgie, jeux, sexualité), et de marquer l’«invention de l’intimité». Il souligne les distinctions sociales à l’œuvre, jusque dans les soupers, amusements et mises en scène de la Cour, et l’intervention des pouvoirs et des institutions pour dénoncer et encadrer «une nuit chargée de figures répulsives, condamnables, dangereuses», qui l’amènent à s’interroger sur la réalité des «déviances», du tapage nocturne aux bandes de voleurs, en passant par les duels et les vols de cadavres. L’investissement ludique de la nuit conduit à une multiplication des lieux de spectacles (théâtres, concerts, opéras, jeux, bals), de consommation (cabarets), de convivialité (promenades, cercles, sociétés), non sans des pratiques propres à la société juvénile.
Simone Delattre, à partir du cas parisien, insiste justement sur les transitions entre la nuit «indomptée» de type ancien, nuit libre, nuit anarchique dont Mercier ou Restif de la Bretonne se font les chantres, et la normalisation progressive de la nuit parisienne entre 1830 et 1860, au fil de la diffusion de l’éclairage au gaz de Rambuteau à Haussmann, comme sous la contrainte du couvre-feu imposé à la multitude, quand le roman populaire fait de l’anxiété un poncif. Dans une capitale surpeuplée, effervescente, l’obsession sécuritaire au détriment des «classes dangereuses» et l’affirmation du droit au repos, à la protection du privé, justifient la circulation nocturne des patrouilles grises (de policiers en bourgeois) de la Restauration, celles d’une Garde nationale sous la monarchie de Juillet. Elles ont surtout pour effet de repousser les problèmes et les frontières des espaces criminels au-delà des barrières (dans la banlieue puis la zone, ce Paris demeurant obstinément ombreux et désordonné, propice aux bandes qui sévissent en 1826, puis 1836-1839), tandis que prostitution et homosexualité sont réprimées au Palais-Royal et sur les Champs-Élysées.
Alors même que plusieurs champs du savoir peuvent être mobilisés (histoire urbaine, sociale, politique, culturelle, littérature, histoire de l’art et musicologie), les interactions entre ce temps de l’ombre et la Révolution n’ont quasiment pas été étudiées. Elles ne peuvent pourtant être bénignes en ce moment de «régénération» qui produit un nouveau calendrier, une nouvelle heure, républicaine et décimale, et perturbe donc physiquement et symboliquement les rythmes du quotidien. Elles le sont encore moins si l’on veut bien considérer que les journées révolutionnaires connaissent leurs pendants nocturnes: nuits du 12 au 13, du 14 au 15 juillet 1789, Grande Peur, nuit du 4 Août, du 5 au 6 octobre 1789, de Varennes, du 9 au 10 Août 1792, massacres de Septembre, révolte des esclaves de Saint-Domingue dans la nuit du 22 au 23 août 1791; on en passe... Ces événements, s’ils héritent de formes anciennes de protestation et de violence (telle la punition par le feu, les charivaris, les processions carnavalesques), imposent aussi au cœur de l’événement une présence populaire et fantasmagorique, innovent aussi dans les pratiques (justice expéditive, pendaison à la lanterne, investissement des châteaux). La nuit est aussi le moment du complot, des conjurations nobiliaires ou républicaines. Elle est indissociable de l’aménagement du nouvel espace politique et judiciaire, des questions du maintien ou de l’encadrement de l’ordre public, depuis la fondation des gardes nationales jusqu’à l’utilisation politique de ses représentations effrayantes (les visites domiciliaires diligentées en l’an II par les comités de surveillance sauront user pour impressionner des heures les plus avancées). On sait combien les pouvoirs, les sections, les sociétés populaires, disent siéger en permanence, sans que l’on ait jamais bien mesuré ce que cette proclamation signifiait quant aux modalités des décisions prises après le coucher du soleil, aux conséquences sur le monde du travail dans les couches de la sans-culotterie parisienne ou provinciale.
Car la vie laborieuse (celle des cabaretiers, des boulangers, des forts des Halles, des transporteurs, des balayeurs, des chiffonniers, des migrants, des déménageurs «à la cloche de bois», des écrivains et des artistes, des prostituées, etc.), la vie tout court, ne s’arrêtent pas lorsque luit l’astre lunaire, très différentes de la campagne à la ville. Dans la première, quand la veillée ne réunit pas, les messes clandestines, les processions, les grands combats de la Vendée et du pays chouan, le brigandage peuvent encore mobiliser et percer l’obscurité de chants et de cris de ralliement à dessein inventés ; et l’on n’aura garde d’oublier les bivouacs militaires, les campements de fortune en des territoires souvent lointains et presque toujours inconnus. Dans la seconde, où se développent dans le secret les réseaux de la contre-révolution ou de l’Église réfractaire, les progrès de l’éclairage tentent de prolonger le jour : invitant à communier dans un même idéal, les fêtes, les banquets et les spectacles (dont les salles sont multipliées pendant la Révolution) attirent des foules considérables. Ces derniers mettent eux-mêmes en scène des éléments symboliques et rhétoriques de la nuit (la cave, le souterrain, l’ombre), tels que les affectionnent à la même époque le roman noir, la littérature enfantine édifiante, le théâtre patriotique, les opéras, le mélodrame ou les drames à sauvetage. Le dessin, la peinture, la gravure, la caricature en rendent compte, soit qu’ils enferment dans un univers privé de lumière les ennemis de la Révolution, antiphilosophes ou prêtres obstinément réfractaires, où les allégories du crime (pensons au Phrosine et Mélidore de Prud’hon), soit qu’au contraire ils renvoient la Révolution aux ténèbres, néant ou chaos d’où sortira la restauration catholique et royale, selon les théories développées notamment par Joseph de Maistre.
Abordant les questions des grandes nuits politiques, de l’ordre public et de la criminalité du crépuscule, du travail et des sociabilités nocturnes, des oppositions clandestines au régime, des fantasmes littéraires et artistiques, le colloque ne négligera pas les comparaisons avec les nuits rébellionnaires ou révolutionnaires des années 1770 (Gordon Riots, révolution américaine, révoltes bataves et brabançonnes) et avec les révolutions de 1830 et 1848.
Présentation
Les travaux de Simone Delattre (Les Douze heures noires. La nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2000) et d’Alain Cabantous (Histoire de la nuit, XVIIe-XVIIe siècle, Paris, Fayard, 2009) ont montré tout l’intérêt des études sur ce moment si particulier qu’est la nuit dans la vie privée et collective des individus, pour leur vécu comme pour leur imaginaire. Le second s’est attaché, au carrefour de l’histoire des mentalités, de l’anthropologie et de l’histoire sociale, à analyser les interactions subtiles et complexes entre les systèmes de représentations et les enjeux sociaux de la nuit dans une Europe du Nord-Ouest et du Sud qui fait la part belle à la France, au Royaume-Uni, à l’Espagne et à l’Italie. Il mobilise les sources les plus diverses pour démonter la construction idéologique, mentale et littéraire de l’espace-temps nocturne, avant de le peupler des pratiques qui lui sont propres (travail, veillées, fêtes, liturgie, jeux, sexualité), et de marquer l’«invention de l’intimité». Il souligne les distinctions sociales à l’œuvre, jusque dans les soupers, amusements et mises en scène de la Cour, et l’intervention des pouvoirs et des institutions pour dénoncer et encadrer «une nuit chargée de figures répulsives, condamnables, dangereuses», qui l’amènent à s’interroger sur la réalité des «déviances», du tapage nocturne aux bandes de voleurs, en passant par les duels et les vols de cadavres. L’investissement ludique de la nuit conduit à une multiplication des lieux de spectacles (théâtres, concerts, opéras, jeux, bals), de consommation (cabarets), de convivialité (promenades, cercles, sociétés), non sans des pratiques propres à la société juvénile.
Simone Delattre, à partir du cas parisien, insiste justement sur les transitions entre la nuit «indomptée» de type ancien, nuit libre, nuit anarchique dont Mercier ou Restif de la Bretonne se font les chantres, et la normalisation progressive de la nuit parisienne entre 1830 et 1860, au fil de la diffusion de l’éclairage au gaz de Rambuteau à Haussmann, comme sous la contrainte du couvre-feu imposé à la multitude, quand le roman populaire fait de l’anxiété un poncif. Dans une capitale surpeuplée, effervescente, l’obsession sécuritaire au détriment des «classes dangereuses» et l’affirmation du droit au repos, à la protection du privé, justifient la circulation nocturne des patrouilles grises (de policiers en bourgeois) de la Restauration, celles d’une Garde nationale sous la monarchie de Juillet. Elles ont surtout pour effet de repousser les problèmes et les frontières des espaces criminels au-delà des barrières (dans la banlieue puis la zone, ce Paris demeurant obstinément ombreux et désordonné, propice aux bandes qui sévissent en 1826, puis 1836-1839), tandis que prostitution et homosexualité sont réprimées au Palais-Royal et sur les Champs-Élysées.
Alors même que plusieurs champs du savoir peuvent être mobilisés (histoire urbaine, sociale, politique, culturelle, littérature, histoire de l’art et musicologie), les interactions entre ce temps de l’ombre et la Révolution n’ont quasiment pas été étudiées. Elles ne peuvent pourtant être bénignes en ce moment de «régénération» qui produit un nouveau calendrier, une nouvelle heure, républicaine et décimale, et perturbe donc physiquement et symboliquement les rythmes du quotidien. Elles le sont encore moins si l’on veut bien considérer que les journées révolutionnaires connaissent leurs pendants nocturnes: nuits du 12 au 13, du 14 au 15 juillet 1789, Grande Peur, nuit du 4 Août, du 5 au 6 octobre 1789, de Varennes, du 9 au 10 Août 1792, massacres de Septembre, révolte des esclaves de Saint-Domingue dans la nuit du 22 au 23 août 1791; on en passe... Ces événements, s’ils héritent de formes anciennes de protestation et de violence (telle la punition par le feu, les charivaris, les processions carnavalesques), imposent aussi au cœur de l’événement une présence populaire et fantasmagorique, innovent aussi dans les pratiques (justice expéditive, pendaison à la lanterne, investissement des châteaux). La nuit est aussi le moment du complot, des conjurations nobiliaires ou républicaines. Elle est indissociable de l’aménagement du nouvel espace politique et judiciaire, des questions du maintien ou de l’encadrement de l’ordre public, depuis la fondation des gardes nationales jusqu’à l’utilisation politique de ses représentations effrayantes (les visites domiciliaires diligentées en l’an II par les comités de surveillance sauront user pour impressionner des heures les plus avancées). On sait combien les pouvoirs, les sections, les sociétés populaires, disent siéger en permanence, sans que l’on ait jamais bien mesuré ce que cette proclamation signifiait quant aux modalités des décisions prises après le coucher du soleil, aux conséquences sur le monde du travail dans les couches de la sans-culotterie parisienne ou provinciale.
Car la vie laborieuse (celle des cabaretiers, des boulangers, des forts des Halles, des transporteurs, des balayeurs, des chiffonniers, des migrants, des déménageurs «à la cloche de bois», des écrivains et des artistes, des prostituées, etc.), la vie tout court, ne s’arrêtent pas lorsque luit l’astre lunaire, très différentes de la campagne à la ville. Dans la première, quand la veillée ne réunit pas, les messes clandestines, les processions, les grands combats de la Vendée et du pays chouan, le brigandage peuvent encore mobiliser et percer l’obscurité de chants et de cris de ralliement à dessein inventés ; et l’on n’aura garde d’oublier les bivouacs militaires, les campements de fortune en des territoires souvent lointains et presque toujours inconnus. Dans la seconde, où se développent dans le secret les réseaux de la contre-révolution ou de l’Église réfractaire, les progrès de l’éclairage tentent de prolonger le jour : invitant à communier dans un même idéal, les fêtes, les banquets et les spectacles (dont les salles sont multipliées pendant la Révolution) attirent des foules considérables. Ces derniers mettent eux-mêmes en scène des éléments symboliques et rhétoriques de la nuit (la cave, le souterrain, l’ombre), tels que les affectionnent à la même époque le roman noir, la littérature enfantine édifiante, le théâtre patriotique, les opéras, le mélodrame ou les drames à sauvetage. Le dessin, la peinture, la gravure, la caricature en rendent compte, soit qu’ils enferment dans un univers privé de lumière les ennemis de la Révolution, antiphilosophes ou prêtres obstinément réfractaires, où les allégories du crime (pensons au Phrosine et Mélidore de Prud’hon), soit qu’au contraire ils renvoient la Révolution aux ténèbres, néant ou chaos d’où sortira la restauration catholique et royale, selon les théories développées notamment par Joseph de Maistre.
Abordant les questions des grandes nuits politiques, de l’ordre public et de la criminalité du crépuscule, du travail et des sociabilités nocturnes, des oppositions clandestines au régime, des fantasmes littéraires et artistiques, le colloque ne négligera pas les comparaisons avec les nuits rébellionnaires ou révolutionnaires des années 1770 (Gordon Riots, révolution américaine, révoltes bataves et brabançonnes) et avec les révolutions de 1830 et 1848.
Comité scientifique
Les propositions de communication sont à envoyer à Philippe Bourdin
- Michel Biard (Université de Rouen)
- Philippe Bourdin (Université Clermont II)
- Alain Cabantous (Université Paris I-Sorbonne)
- Hervé Leuwers (Université Lille III)
- Michel Pertué (Université d’Orléans)
- Pierre Serna (Université Paris I-Sorbonne)
Les propositions de communication sont à envoyer à Philippe Bourdin
- Maison des Sciences de l’Homme / Centre d’Histoire « Espaces & Cultures »/ 4, rue Ledru / 63 000 Clermont-Ferrand / phbourdin@laposte.net
AVANT LE 1er JANVIER 2011
Lieu
Clermont-Ferrand, Maison des Sciences de l’Homme / Centre d’Histoire «Espaces & Cultures», 4, rue Ledru
Clermont-Ferrand, Maison des Sciences de l’Homme / Centre d’Histoire «Espaces & Cultures», 4, rue Ledru
Contact
Philippe Bourdin phbourdin@laposte.net
Université Blaise Pascal, Maison des Sciences de l’Homme, Centre d’Histoire «Espaces & Cultures», 4, rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand Cedex 1
Philippe Bourdin phbourdin@laposte.net
Université Blaise Pascal, Maison des Sciences de l’Homme, Centre d’Histoire «Espaces & Cultures», 4, rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand Cedex 1
Source: «Les nuits de la Révolutions française», Appel à contribution, Calenda, publié le jeudi 21 octobre 2010, http://calenda.revues.org/nouvelle17726.html