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2 nov. 2011

ANR "RevLoi" (Paris 1), Archives Nationales: Journée d’étude, "Les sources matérielles de la loi sous la Révolution", Paris, 15 nov 2011

Information transmise par A. Simonin:
ANR RevLoi 
(La Loi en Révolution - Collection Baudouin)
Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne (IRICE, IHRF)
Archives Nationales

Journée d’étude

Les sources matérielles de la loi sous la Révolution

Paris
15 novembre 2011



Journée d’étude dans le cadre de l’ANR RevLoi (IRICE-IHRF)
Coordonnée par 
  • Isabelle Rouge-Ducos (Archives Nationales),
  • Anne Simonin (CNRS, IRICE, Université Paris I et Paris IV)
  • Yann-Arzel Durelle-Marc (Centre de Recherches juridiques de l'Université de Franche Comté - CRJFC)
Présentation
La publicité de la loi est l’un des legs fondamentaux de la Révolution française. Lors de la discussion, le 12 décembre 1801, du «Titre préliminaire» du code civil (1804), intitulé «De la publication, des effets et de l’application des lois en général», le tribun Ludot citait les Commentaires sur les lois anglaises de William Blackstone (traduit entre 1774-1776) pour montrer l’écart séparant la tradition parlementaire anglaise de la tradition républicaine française. William Blackstone (Liv. I, chap. 7) rapporte que «du moment où un prince a donné sa sanction à un bill du parlement, il acquiert la force de statut ou d’acte de ce parlement ; on le dépose aux archives de l’État, et, à la différence des édits des empereurs romains, dont l’effet était subordonné à la publication, les statuts ou les actes du parlement anglais ne sont sujets à aucune promulgation réelle. On n’en a pas cru la formalité nécessaire, dit le célèbre publiciste qui en rend compte, parce que la loi présume que tout individu a pris part à la discussion du parlement, et en a voté les actes par l’organe de ses représentants. Cet usage s’observe depuis environ trois siècles.» Cette «présomption» ne sera jamais celle des juristes révolutionnaires qui, de Barère en l’an II (1794) – «Pour être citoyen, il faut obéir aux lois, et pour leur obéir, il faut les connaître» – à Portalis en l’an VIII (1800) – «Les lois ne peuvent obliger sans être connues» – s’efforceront d’apaiser les inquiétudes du Législateur et d’inventer les procédures lui donnant la certitude non seulement que les lois seront connues du peuple mais aussi que les lois seront effectives, qu’elles seront appliquées. Bref que la loi a bien «force de loi».

Qu’est-ce qu’une loi? Réduite à un texte, adopté dans une enceinte publique, le Parlement, la loi n’en demeure pas moins ce «texte mort», ce «discours gisant» dont Pierre Legendre rappelle qu’il est à la fois «surchargé de pouvoir et d’illusion», un «assemblage formel» qui de «lui-même ne dit rien» (L’Amour du censeur. Essai sur l’ordre dogmatique, Seuil, 1974). Ce sont les différentes opérations, isolées ici en cinq étapes, – sanctionner, promulguer, appliquer, imprimer, diffuser, appliquer – qui vont donner «force de loi» à la loi.

L’un des objets de cette journée d’étude est de clarifier ces différentes étapes, de rappeler en particulier les procédures qui les régissent ; d’illustrer, par des exemples, l’imperfection ou la difficulté de leur application ; de travailler leur imbrication… Si l’idée de la loi domine la Révolution, au point, comme le souligne Jean-Louis Halpérin, de monopoliser alors l’incarnation du droit, savoir quand précisément la loi devient loi entre 1790 et 1801 est aujourd’hui encore sujet à débats. Quant à la certitude que le peuple dans la République connaît la loi, elle repose au final sur une fiction juridique, formalisée en 1819 seulement comme l’a montré Katia Weidenfeld («Nul n’est censé ignorer la loi», Informer: institutions et communication (XIIIe-XVe siècles), éd. K. Fianu, PU de la Sorbonne, 2005).

La contribution à une histoire juridique et positive de la loi qu’illustre cette journée d’étude eût été incomplète sans l’exploration du substrat qui renouvelle les questions débattues : la connaissance et la mobilisation des fonds conservés aux Archives nationales. L’institution même des Archives fut créée sous la Révolution pour être le dépôt des lois de l’Assemblée nationale constituante, son trésor législatif. Les originaux des lois peuvent encore nous révéler des éléments inédits utiles à l’histoire du droit et à l’histoire politique, éléments peu ou difficilement accessibles selon les collections. La matérialité des lois nous renseigne sur le processus législatif et l’équilibre des pouvoirs mais elle peut être un frein à l’analyse historique, en raison de la fragilité des lois, des formats difficiles à manier et du morcellement des collections sur le long terme, manquant parfois de description synthétique.

L’original des lois est au carrefour de deux exigences: celle de rendre légal par le processus de création (institutionnel et diplomatique) le contenu de la loi, aboutissant à un acte authentique; celle de pouvoir le conserver, d’y recourir et de le diffuser de manière tout aussi légitime. La fidélité de la loi imprimée à son égard ne réduit pas l’original à un document inerte : le foisonnement des caractères externes de l’original ne sont exploitables que sur celui-ci; l’existence de différents statuts d’originaux, leur processus de fabrication, comme leur organisation en tant qu’archives, selon les régimes tourmentés du XIXe siècle, nous apportent un éclairage nouveau sur l’histoire de la loi et la manière dont on l’a appréhendée dans le discours historique. Par l’analyse systématique des archives des lois selon les différentes phases révolutionnaires, cette journée d’étude pourrait permettre de déceler de nouveaux enjeux en matière politique et juridique à chaque tournant de la Révolution.
J

Programme
9h. – Accueil des participants Président: Catherine Mérot (responsable de la section du XIXe siècle et du XXe siècle, Archives nationales)
  • 9h15. – Intervention d’Agnès Magnien (directrice des Archives nationales)
  • 9h20. – La confection de la loi, Julien Boudon (professeur de droit public, Université de Reims-Champagne-Ardennes)

  • 10h-10h30. – Légalité et intégrité de la loi: le rôle des Archives nationales, Isabelle Rouge-Ducos (conservateur du patrimoine, Archives nationales, section du XIXe siècle)
    • 10h30-11h. – Discutants: Denise Ogilvie (conservateur du patrimoine, Archives nationales, section du XIXe siècle), Nicole Brondel (chargée d’études documentaires, Archives nationales, section du XIXe siècle)
11h-11h15. – Pause café  
I. – Donner force à la loi
  • 11h15-11h45. – Sanctionner: parfaire la loi, Guillaume Glénard (professeur de droit public, Université d’Artois)
    • 11h45-12h. – Discutant: Jean-Philippe Heurtin (professeur de sciences politiques, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines)
12h-12h30. – Débat

II. – Appliquer la loi Président: Jean-Louis Halpérin (professeur d’histoire du droit, École normale supérieure-Ulm)
  • 14h-14h30. – Promulguer: rendre la loi exécutoire, Jérôme Ferrand (maître de conférences en histoire du droit, Université Grenoble II-Pierre-Mendès-France)
  • 14h30-15h. – Publier: le Bureau de l’envoi des lois (an II-an IV), Yann-Arzel Durelle-Marc (maître de conférences en histoire du droit, Université de Franche-Comté)
    • 15h-15h15. – Discutant: Marie-Françoise Limon-Bonnet, conservateur général du patrimoine, responsable du Minutier central des notaires, Archives nationales
15h15-15h30. – Pause café  
III.– Faire connaître la loi
  • 15h30-16h. – Imprimer sous la Terreur: François-Jean Baudouin, imprimeur de la Convention nationale, Anne Simonin (directeur de recherche, CNRS IRICE, Université Paris I Panthéon-Sorbonne et Paris IV-Sorbonne)
  • 16h-16h30. – Diffuser: le cabinet des lois de Louis Rondonneau, Noëlle Choublier-Grimbert (chargée d’études documentaires, Archives nationales)
    • 16h30-16h45. – Discutant: Pierre Serna (professeur d’histoire moderne, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, directeur de l’Institut d’Histoire de la Révolution française)
16h45-17h15. – Débat
  • 17 h15-17h45 – Conclusions générales, François Saint-Bonnet (professeur d’histoire du droit, Université Paris II-Panthéon-Assas) 
Lieu
Hôtel de Soubise, Chambre du Prince, Archives nationales, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75 003 Paris