Chercher in Nomôdos

29 oct. 2011

Univ. Nice-Sophia Antipolis, ERMES, Appel à contributions: Colloq. "Groupes d'intérêt et gouvernement local", Nice, 20-21 juin 2012 (limite: 15 janv. 2012)

Information transmise par D. Rauch:
Université de Nice-Sophia Antipolis
Laboratoire ERMES (EA 1198) 
Appel à contributions
Colloque

Groupes d'intérêt et gouvernement local

Nice
20 et 21 juin 2012
(limite: 15 janv. 2012)

Lieu
Université de Nice-Sophia Antipolis - Faculté de Droit et de Science Politique


Présentation
Récurrente, l’évocation par les médias du travail de « pression » et d’« influence » des groupes organisés s’est renforcée ces dernières années au point d’amener le législateur à envisager une réglementation des activités de lobbying. Dans la littérature scientifique également, la notion de « groupe d’intérêt » bénéficie d’un regain d’actualité, symbolisé par la publication de manuels (Courty, 2006 ; Grossman, Saurugger, 2006) succédant aux ouvrages pionniers parus dans les années 1960 (Meynaud, 1958). Mais elle le doit surtout aux études menées à l’échelle européenne, où les groupes d’intérêt bénéficient d’une reconnaissance explicite. En revanche, les usages de la notion à d’autres échelles, et particulièrement locales, restent encore limités. Localement, les recherches se sont avant tout centrées sur la constitution de « mobilisations territoriales » autour d’un équipement (Lolive, 1997) ou encore sur les « mouvements sociaux » à l’échelle urbaine (Rabrenovic, 2009 ; Della Porta, Andretta, 2002). Sans être contradictoire avec ces dernières, l’entrée par les groupes d’intérêt ouvre pourtant vers d’autres interrogations. Ce constat est d’autant plus surprenant qu’il est aisé d’entendre, dans toutes les communes ou presque, des rumeurs ou fantasmes sur « l’influence » de tel ou tel groupe sur les édiles locaux. 

Le changement d’échelle dans l’espace ne saurait toutefois suffire à cerner de nouveaux questionnements. Il doit aussi s’accompagner d’une remise en perspective temporelle et sociologique des groupes d’intérêt. Au-delà du sacre des associations au XIXe siècle, les notions de « corporation », « corps constitué », ou encore « d’ordre professionnel », intriquées avec les divers modèles d’autonomie municipale durant le Moyen-âge et les Temps Modernes, peuvent éclairer, sinon la pratique, du moins l’identité des groupes d’intérêt, particulièrement à l’échelle locale. Si les corporations d’Ancien Régime et les ordres professionnels ont déjà leurs historiens (Martin Saint-Léon 1899, Olivier-Martin 1988, Gazzaniga 1992, Fillon 1995), jamais l’étude n’en a été faite au regard des groupes d’intérêt. Par ailleurs, qu’ils aient une base sportive (clubs, fédérations...), économique (associations patronales, clubs de chefs d’entreprise, chambres consulaires, ordres professionnels...), socioculturelle (communautés de migrants, amicales d’anciens combattants, associations de parents d’élèves, automobile club...) ou encore territoriale (comités de quartier, associations de riverains ou de défense de l’environnement...), de nombreux groupes locaux ont pour trait commun de porter des intérêts spécifiques pesant sur les conditions et les mécanismes du gouvernement des territoires (Portelli, 1996). 

Dès lors, ce colloque propose de remettre sur le métier, dans une approche résolument interdisciplinaire, la notion de groupes d’intérêt à partir de l’analyse, historique et contemporaine, de terrains localisés. Une conception large, croisant les regards disciplinaires et les méthodologies, permettra d’envisager des groupements organisés à l’importance locale variable et aux modes d’action hétérogènes. Comment se constituent et se manifestent les groupes d’intérêt dans le gouvernement des territoires, et plus largement dans la vie publique locale ? Il s’agit ainsi de s’intéresser autant aux groupes en eux-mêmes qu’à leurs relations avec les institutions publiques locales. 

Axe 1. L’identité des groupes d’intérêt 
L’un des premiers défis est d’identifier les groupes actifs à l’échelle locale, mais aussi de tester la valeur opératoire de la notion de groupe d’intérêt pour orienter le regard vers des objets en friche, ou revisiter des phénomènes abordés jusque-là sous d’autres perspectives. Les groupes d’intérêt sont-ils une survivance ou une innovation ? Désignent-ils une catégorie analytique à part entière, qu’il faut, aujourd'hui, reconsidérer dans son utilité ? L’identité des groupes d’intérêt, à partir de l'exploration de leurs modes d’existence et de leurs répertoires d’action, sera le premier axe du colloque. C’est leur capacité à faire exister dans l’espace public un intérêt collectif (par rapport à un « intérêt général ») qui importe ici. Cet intérêt collectif ne va en effet pas de soi. Ces groupes requièrent un travail de médiation interne. En partant d’un tel point de vue, on comprend mieux pourquoi, ici ou là, des acteurs parviennent, ou non, à se constituer en groupes d’intérêt et à se faire entendre. Des travaux ont mis en évidence l’émergence délicate du collectif au XIXe siècle, qu’il s’agisse des ordres d’avocats (Karpik 1996, Leuwers 2006), ou des tiraillements internes au monde patronal dont les organisations consulaires ne représentent qu’une fraction des intérêts économiques (Lemercier, 2003). Pourquoi tel groupe bénéficie, ici, d’une position centrale dans la vie publique locale ? Comment un groupe d’intérêt parvient à devenir un groupe « qui compte » localement ? La réponse ne saurait se réduire à l’importance numérique du groupe représenté, mais renvoie à des relations historiquement constituées entre pouvoir local et groupes d’intérêt (comme dans le cas des comités de quartier analysés par C. Mattina pour les villes du sud-est de la France, 2008), à un activisme forcené, à une capacité hégémonique, à la détention de ressources valorisées... autant d'aspects qui pourront être examinés par les communications portant sur les modes de représentation des groupes d’intérêt. Les groupes d’intérêt cultivent leur identité auprès de leurs membres et dans l’espace public à travers des pratiques et des moyens diversifiés : ceux médiatiques et contestataires contrastant avec des stratégies plus discrètes d’interpellation d’élus. C’est aussi dans cette perspective que l’on pourra être amené à étudier à la fois les pratiques de sociabilité et les pratiques festives des groupes d’intérêt afin de ne pas s'en tenir à une seule approche fonctionnaliste (Michel, 2010). 

Axe 2. Les groupes d’intérêt dans la gestion des affaires publiques 
Ce second axe renvoie aux rapports que les groupes d’intérêt entretiennent avec le gouvernement local. Le terme « d’influence » doit être dépassé pour apprécier plus précisément la place et la portée des groupes d’intérêt dans la gestion des affaires locales (Dupuy, Halpern, 2009). Comment les groupes d'intérêts participent-ils concrètement à la fabrication des politiques publiques locales ? Quelles sont les retombées, attendues et réelles, de leur activisme ? Peut-on observer des liens entre cet activisme et le niveau des dépenses publiques (Balme, 1989) ? Comment les stratégies revendicatives composent avec les exigences de l’action publique amenant certains groupes à endosser des rôles de prestataires ou de partenaires (comme c’est le cas dans les politiques sociales) ? Existe-t-il des corporatismes rémanents dans la gestion des affaires locales ou d’un secteur particulier ? Observe-t-on des types de politiques publiques locales selon la nature des liens entre pouvoirs locaux et groupes d’intérêt ? La question de la participation des groupes d’intérêt ne se réduit toutefois pas à l’action publique. Les groupes d’intérêt ne sont pas étrangers aux phénomènes de pouvoir, puisqu'ils sont souvent des viviers de recrutement pour la fabrication des listes aux élections locales, mais aussi des tremplins de notabilité. La frontière entre la sphère proprement élective et les représentants des groupes d’intérêt est, à bien des égards, poreuse, et devra également être explorée. 

Bibliographie sommaire 

BALME Richard, « Des maires sous quelle influence ? L’impact des groupes d’intérêt sur les politiques municipales dans les grandes villes », Politix, n°7-8, 1989, p. 108-114.
COURTY Guillaume, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, La découverte, 2006. 
DELLA PORTA Donatella, ANDRETTA Massimiliano, «Social Movements and Public Administration: Spontaneous Citizens’ Committees in Florence », International Journal of Urban and Regional Research, vol. 26, n°2, 2002, p. 244-265. 
DUPUY Claire, HALPERN Charlotte, « Les politiques publiques face à leurs protestataires », Revue française de science politique, vol. 59, n°4, 2009, p. 701-722. 
FILLON Catherine, Histoire du barreau de Lyon sous la Troisième République, Lyon, Aléas, 1995. 
GAZZANIGA Jean-Louis (dir.), Histoire des avocats et du barreau de Toulouse du XVIIIe siècle à nos jours, Toulouse, Privat, impr. 1992. 
GROSSMAN Emiliano, SAURUGGER Sabine, Les groupes d’intérêt. Action collective et stratégies de représentation, Paris, Armand Colin, 2006. 
KARPIK Lucien, Les avocats entre l’État, le public et le marché (XIIIe - XXe siècles), Paris, Gallimard, NRF, 1996. 
LEMERCIER Claire, Un si discret pouvoir. Aux origines de la Chambre de commerce de Paris (1803-1853), Paris, La découverte, 2003. 
LEUWERS Hervé, L’invention du barreau français (1660-1830), Paris, éd. de l’EHESS, 2006. LOLIVE Jacques, « La montée en généralité pour sortir du NIMBY. La mobilisation associative contre le TGV Méditerranée », Politix, n°39, 1997. 3 
MATTINA Cesare, « Gouverner la démocratie locale. Comités de quartier et conseils de quartier à Marseille, Toulon et Nice », Sociologie du travail, vol.50, n°2, 2008, p. 184-199. 
MARTIN SAINT-LÉON Étienne, Les anciennes corporations et les syndicats professionnels, Paris, Guillaumin, 1899. 
MEYNAUD Jean, MEYRIAT Jean, Les groupes de pression en Europe occidentale, Paris, Fondation nationale des sciences politiques, Centre d’études et de recherches internationales, 1959. 
MICHEL Hélène, « Mouvements sociaux, groupes d’intérêt et politiques publiques », dans BORRAZ Olivier, GUIRAUDON Virginie (dir.), Politiques publiques. 2- Changer la société, Paris, Presses de Sciences Po, 2010. 
MINVIELLE Géo, Ordres et syndicats professionnels, Paris, Dalloz, 1954.
MONTI Gennaro Maria, Le corporazioni nell'evo antico e nell'alto medioevo, Bari, Laterza, 1934. OLIVIER-MARTIN François, Les ordres, les pays, les villes et communautés d'habitants, Paris, 
éd. Loysel, 1948 (réimpression 1988).
RABRENOVIC Gordona, « Urban Social Movements », DAVIES Jonathan S., IMBROSCIO 
David L., eds., Theories of Urban Politics, Londres, Sage, 2009.
RIGAUDIÈRE Albert, « Hiérarchie socioprofessionnelle et gestion municipale dans les villes du Midi de la France au Bas Moyen-âge », Revue Historique, 1983, p. 25-67. 

Propositions de communication et calendrier 
Les propositions de communication devront être envoyées aux quatre organisateurs (courriels ci-dessous) avant le 15 janvier 2012. D’une à deux pages, elles comprendront une présentation de la problématique, du terrain et du matériau mobilisé. Elles mentionneront également le nom et prénom de l’auteur, son laboratoire de rattachement, son statut et ses coordonnées complètes. 

Les résultats de la sélection opérée par le Comité d’organisation seront communiqués fin janvier. Les textes des communications devront impérativement parvenir 15 jours avant le colloque, soit au plus tard le mardi 5 juin 2012 afin d’être transmises dans les meilleures conditions aux discutants. 

Organisateurs 
  • Delphine RAUCH, doctorante en histoire du droit (delphine.rauch@unice.fr) 
  • Marie-Ange GRÉGORY, doctorante en science politique (marie-ange.gregory@unice.fr) 
  • Stéphane CADIOU, MCF en science politique (stephane.cadiou@unice.fr)
  • Ugo BELLAGAMBA, MCF en histoire du droit (ugo.bellagamba@unice.fr) 

Équipe de recherche sur les mutations de l’Europe et de ses sociétés ERMES, EA 1198, Nice-Sophia Antipolis