Information transmise par Fr. Audren:
Ali Mezghani
L'État inachevé
La question du droit dans les pays arabes
Préface d'Abdelmajid Charfi et Abdou Filali-Ansary
Paris, Gallimard/NRF (Bibliothèque des Sciences humaines), oct. 2011, ISBN 9782070134335, 368 p., 26,90 €
Le rapport au droit est le grand impensé des sociétés arabo-musulmanes. Non qu'elles ignorent le droit, bien au contraire : ce sont les sociétés les plus juridicisées qui soient. Mais celui auquel elles consentent n'est en rien séparé des autres instances. Il n'a d'existence qu'à travers la religion, réceptable tout ensemble de la foi, de la morale, des mœurs et des lois.
Ces sociétés entretiennent une relation très particulière au temps qui situe leur avenir dans le passé, où un modèle idéal est censé s'être réalisé au cours de la période prophétique. La pensée dominante en islam exclut dont toute possibilité d'historicisation : la loi est valable en tout temps et en tout lieu, et l'œuvre des jurisconsultes se borne à découvrir dans la révélation la norme qu'ils énoncent.
La raison autonome et fondatrice s'y est en outre vite effacée au profit d'une raison instrumentale dédiée à la seule compréhension du Texte et déniant au droit sa dimension sociale et humaine. Puisque le peuple n'est pas au fondement de la loi, l'idée de nation ne s'y est pas non plus acclimatée. Manquent dès lors à l'appel les piliers mêmes de la démocratie : le contrat social et ses corollaires, la liberté adjointe à l'égalité.
En se mettant à l'abri des évolutions, les sociétés arabes se sont empêchées de construire l'État de droit et d'instaurer des régimes démocratiques. C'est en cela que leur État reste inachevé. Sa construction dépendra en grande parte de leur capacité à clarifier leur apport à la modernité et à redéfinir le statut de leur passé. Sans doute est-ce là le véritable enjeu des révolutions arabes de 2011.