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17 mars 2012

Univ Paris Ouest Nanterre La Défense, CHAD: JE "Les usages de l’Antiquité", Nanterre, 13 avr 2012

Information transmise par N. Kálnoky, S. Kerneïs et Fr. Audren:
Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Centre d’Histoire et Anthropologie du Droit
Journée d’étude pluridisciplinaire

Les usages de l’Antiquité

Nanterre
Vendredi 13 avril 2012


Présentation
Antiquitas désignait à Rome les temps très anciens que la mémoire devait conserver et dont l’exemple inspirait la gravité romaine. La réflexion sur le passé s’épanouit avec l’émergence de la conscience historique, une certaine réflexion sur le temps, la quête des origines. A Rome, l’antiquitas est légitimante et les Romains accrochaient volontiers leur présent au passé; relief d’une pensée coutumière, obsession du rite, la nouveauté n’a guère de place dans la Cité. Encore sous l’Empire, il est de bon ton d’exciper du passé.

Avec la Renaissance, l’Antiquité devient obsédante, une Antiquité largement orientée sur l’héritage de l’urbanitas latine. L’humanisme juridique clame la grandeur du droit romain et aspire à renouer avec sa pureté originaire. L’Antiquité romaine est exaltée, auguste contrepoint à la prétendue obscurité médiévale. D’autres Antiquitez sont pourtant aussi conviées, celle des Gaulois ou des Germains. Les différents usages de l’Antiquité tiennent alors tout autant du mythe des origines que de l’anthropologie du pouvoir. Les émotions varient, l’histoire demeure, temps long des cultures. Boulainvilliers justifiait les privilèges des nobles par la germanité conquérante, Sieyès la révolution des roturiers par la gallicité autochtone. Sous la Révolution, les concepts de citoyen et de gouvernement représentatif sont construits dans un double mouvement de référence et d’opposition à l’Antiquité. La controverse perdure entre germanistes et romanistes et prend une nouvelle ampleur au XIXe siècle, dans le contexte d’une Europe multiculturelle où les nations réinventent leurs origines. Aujourd’hui encore, le problème historique de la dialectique entre les coutumes des «nations» et la loi romaine, jus commune, prend la forme, peut-être mystifiée, de la rencontre – ou de l’opposition – entre droits continentaux romanisants et Common Law anglo-saxonne.

«C’est la mémoire qui fait votre identité; si vous avez perdu la mémoire, comment serez-vous le même homme», disait Voltaire. Hier comme aujourd’hui, l’Antiquité est d’abord une question de regard, regard qui varie selon la façon que l’on a de se représenter le présent, la nécessité qu’il y a de s’approprier le passé, de le rêver ou de le réinventer. Mais au delà du politique et du juridique, les usages de l’Antiquité avaient aussi une certaine immédiateté parce qu’ils procédaient de notre quotidien. Il y a peu encore, l’Antiquité nous était à ce point familière que la mémoire du passé constituait une sorte de socle commun, base d’un certain entendement. Somme toute, une vieille histoire continuait, traînant dans son sillage des valeurs, un mode de pensée, un langage et des concepts. En va-t-il toujours ainsi aujourd’hui? Le temps s’accélère. Le culte d’un présent déjà voué au futur incite à penser le passé comme une époque révolue; anniversaires et lois mémorielles forment l’apparat d’une pseudo-histoire, d’une histoire spectacle qui tantôt satisfait tel ou tel groupe dans une «juxtaposition de compassions mémorielles», tantôt entend figer un prétendu souvenir national. Les sens se perdent, les mots surabondent, les catégories vacillent, comme si l’Antiquité n’était définitivement plus, comme s’il fallait maintenant inventer son antonyme, la postiquitas.

Pour mieux comprendre cette mutation qui s’opère, nous proposons de réfléchir sur les usages de l’Antiquité dans une perspective pluridisciplinaire car c’est la variété des questions qui fonde la richesse de la recherche. À cet égard, un éclairage en provenance de la théorie du droit et de l’analyse des discours n’est pas négligeable, qui pourrait utilement compléter les apports de l’histoire du droit et de la science politique. On pourrait ainsi se pencher sur les usages justificateurs de l’idée d’Antiquité, ce qui reviendrait à s’intéresser aux idéologies juridico-politiques que l’Antiquité a nourries. Le but de la rencontre est donc d’inviter historiens, politistes et théoriciens à réfléchir autour du discours juridique, à réunir les différentes analyses de discours juridiques qui, jusqu’à aujourd’hui, font usage de l’Antiquité, étant entendu que ces discours ont une connotation politique, mais que le sujet n’est pas les modèles politiques de l’Antiquité (comme la cité, le césarisme, le gouvernement mixte...).

Pierre Brunet, Jean-Louis Halpérin, Soazick Kerneis

Programme
Vendredi 13 avril 2012
(Bâtiment F, salle 352)
  • 9h30-10h – Ouverture par Matthieu Conan (Directeur de l'UFR de Droit et Science politique, Université Paris Ouest Nanterre La Défense) 
L’Antiquité retrouvée (10h-11h30)
    • Bernard Lacroix (Université Paris Ouest), modérateur 
  • Arnaud Skornicki (Université Paris Ouest) et Christophe Le Digol (Université Paris Ouest): L'Antiquité au miroir de l'économie politique, des Lumières à la Révolution.
  • Olivier Renaut (Université Paris Ouest): L'éthique des vertus: un retour à la philosophie morale grecque
  • Jean-Louis Halpérin ((ENS Paris): Les modèles antiques dans la doctrine américaine des XVIIIe et XIXe siècles? 
Antiquités orientales (14h-15h30)
    • Jean-Pierre Poly (Université Paris Ouest), modérateur 
  • Sophie Demare-Lafont (Université Paris II, EPHE): L'Âge d'Or: un mythe oriental et orientaliste.
  • Aram Mardirossian (Université Paris Ouest): La tradition des Macchabées dans l'Eglise arménienne actuelle.
  • Soudabeh Marin (Université Paris Ouest): Metron, Hubris et dikè dans les sources zoroastriennes

L’Antiquité au présent (16h-17h30)
    • Pierre Brunet (Université Paris Ouest): modérateur 
  • Eric Millard (Université Paris Ouest): Les usages de l'Antiquité dans le réalisme scandinave.
  • Véronique Champeil-Desplats (Université Paris Ouest): De quelques références à l’Antiquité dans les manuels de libertés publiques et droits de l’homme. 
  • Frédéric Constant (Université Paris Ouest): Les ambiguïtés de la République populaire de Chine à l'égard de l'héritage antique: l'exemple du droit pénal.

Lieu
Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Faculté de Droit et Science politique, 200 av; de la République, Nanterre, bât. F, s. 352).