Chercher in Nomôdos

29 janv. 2012

Univ. Lausanne Interface Sciences-Société, CHIPI, colloq. internat. "Les futurs de la démocratie", Lausanne, 23-24 févr. 2012

Information transmise par Fr. Audren:
Université de Lausanne
Interface Sciences-Société
Centre d'Histoire des Idées Politiques et des Institutions (CHIPI)
Colloque international

Les futurs de la démocratie

Lausanne
23-24 février 2012 
L'Interface Sciences-Société et le Centre d'Histoire des Idées Politiques et des Institutions (CHIPI) de l'Université de Lausanne vous convient à un colloque international qui aborera quatre thématiques principales. Nous nous intéresserons tout d’abord à la dimension politique des notions de temps et de futur. La seconde thématique aura trait à l’écologie qui est l’un des sujets politiques contemporains les plus orientés vers le futur. Troisièmement, la question de l’utopie occupera une demi-journée. Enfin, nous consacrerons la fin du colloque à la question des institutions démocratiques proprement dites et à leurs évolutions possibles, probables ou souhaitables. L’actualité des questions abordées et les enjeux décisifs qu’elles recouvrent commandent de ne pas limiter leur examen à l’intérieur du seul cadre universitaire, c'est la raison pour laquelle ce colloque est ouvert à toute personne intéressée.

Présentation 
Depuis les années 1990, on ne compte plus les ouvrages annonçant la «fin de l’histoire» (Fukuyama, entre autres), l’«effacement de l’avenir» (Taguieff 2000) ou autre «sacre du présent» (Laïdi 2000), quand on n’avance pas que le temps, décidément, semble «accélérer» (Rosa 2010) ou que l’on assiste à sa «compression» (Harvey 1990). Le futur est une dimension temporelle qui est réputée avoir disparu, alors que nous vivrions maintenant dans un «présentisme» généralisé (Hartog 2003). Par rapport aux grandes téléologies des XIXe et XXe siècles — le progrès, la révolution, la société sans classes ou, dans des versions plus sombres, l’État totalitaire ou le «Reich de mille ans» —, force est d’admettre que les représentations contemporaines du futur sont plus modestes, moins assurées, plus floues. Sont-elles pour autant absentes? 

Car dans le même temps, on doit observer l’apparition de problématiques très fortement liées à cette dimension du futur. Nous pensons en premier lieu aux questions écologiques, qui n’hésitent pas à faire des projections à très long terme. Dans les deux sillages séparés de Hans Jonas et Günther Anders se sont par exemple développées des réflexions sur l’«éthique du futur» d’une part ou sur «la catastrophe à venir» d’autre part (Dupuy 2002). Parallèlement mais minoritairement, un auteur comme André Gorz a tenté d’imaginer un autre futur pour l’écologie (Gorz 2008; Münster 2011). En outre, la croyance en un progrès scientifique et technique n’a pas disparu, notamment dans des domaines comme l’informatique ou les techniques bio-médicales par exemple. Des limites qui semblaient encore infranchissables naguère sont aujourd’hui questionnées, et la vieille idéologie du progrès renaît de ses cendres, pour autant qu’elle se fût complètement consumée une fois. Enfin, comment oublier que tout le système économique et financier connu sous le nom de capitalisme repose sur la croyance partagée, quoique souvent implicite, que ledit système va perdurer à long terme (Pomian 1980). C’est la première face du futur de nos démocraties: ce que celles-ci seront demain. Ce futur-ci va bientôt commencer. 

Puisque l’effacement du futur doit être contesté, il faut parvenir à prendre la mesure du, ou plutôt des nouveaux rapports que les sociétés contemporaines entretiennent avec le futur. Il faudra également se demander si ces nouveaux rapports sont compatibles ou non avec des institutions démocratiques. On ne peut en effet oublier l’avertissement de Tocqueville (De la démocratie en Amérique II, II, 2) lorsqu’il écrivait que le futur est l’affaire de l’aristocratie, alors que la démocratie se préoccupe principalement du présent. Peut-on renverser le jugement de Tocqueville tout en conservant sa description: affirmer que la démocratie devrait chercher à s’exercer d’abord dans le présent? La seconde face du futur dans nos démocraties est donc la suivante: ce que le futur représente pour elles aujourd’hui. Ce futur-là, à l’inverse, ne pourra jamais commencer (Luhmann 1976; McTaggart 1908). 

La temporalité politique ne peut être présentée comme un jeu à somme nulle. La prééminence du passé suppose la disparition du présent et du futur, et ainsi de suite. Il nous semble indispensable, à des fins tout aussi bien analytiques que politiques, de rétablir une double pluralité dans l’appréciation de la temporalité, tout d’abord en reconnaissant que passé, présent et futur cohabitent toujours, et ensuite en cherchant à élucider les différents rapports que l’on entretient à des passés, des présents et des futurs qui sont eux-mêmes différents. Derrière cette double pluralité gît en réalité une autre question que la philosophie politique a rarement traitée : celle du caractère politique du temps lui-même (Chollet 2011). 

Déroulement du colloque 
Quatre thématiques principales ont été dégagées, qui permettront de circonscrire ce rapport entre futur et démocratie, tout en en montrant la dimension profondément polysémique. Nous nous intéresserons tout d’abord à la dimension politique des notions de temps et de futur. La seconde thématique a trait à l’écologie, puisque c’est l’un des sujets politiques contemporains les plus orientés vers le futur, comme cela a été rappelé plus haut. Troisièmement, la question de l’utopie occupera une demi-journée, en cherchant à montrer quelles sont ses figures temporelles principales et si ces dernières sont compatibles avec celles véhiculées par la démocratie. Enfin, pour chercher à lier l’ensemble sans être toutefois certains d’y parvenir, nous consacrerons la fin du colloque à la question des institutions démocratiques proprement dites et à leurs évolutions possibles, probables ou souhaitables. 

Le partenariat conclu avec l’Interface Science-Société (ISS) de l’Université de Lausanne permettra d’assurer le lien avec la cité et de faire de ce rendez-vous scientifique un moment de réflexion sociale et politique par-delà l’institution universitaire proprement dite. L’actualité des questions abordées et les enjeux décisifs qu’elles recouvrent commandent en quelque sorte de ne pas limiter leur examen à l’intérieur des seules universités. 

Programme
Jeudi 23 février 2012
10h-13h. - Temps et futur comme notions politiques
  • Alexandre Escudier (CEVIPOF, Sciences Po Paris): Accélération sociale et conscience de crise.
  • Michèle Riot-Sarcey (Univ. Paris 8): De l’idée de souveraineté au gouvernement des hommes. Comment repenser la modernité?
  • Philippe Blanchard (IEPI, Univ. Lausanne): Kychtym, Tchernobyl, Fukushima : demain meurt-il jamais?
14h30-17h30. - Écologie et représentations du futur
  • Arno Münster (Univ. Picardie): Éthique et écologie politique (vers une société écologique par la justice sociale ?).
  • Yannick Rumpala (Univ. Nice): L’éthique mutuelle et l’esprit de l’après-capitalisme»
  • Bruno Villalba/Luc Semal (Univ. Lille): Matérialité écologique et contraction démocratique.
Vendredi 24 février 2012
9h-12h. - Pensées du temps
  • Yaël Hirsch (Sciences Po Paris): Le Temps hors de ses gonds: l’effet de tensions passées et inapaisées sur l’ordre politique présent chez Arendt, Jonas et Strauss.
  • Biancamaria Fontana (IEPI, Univ. Lausanne): Maîtriser le temps: démocratie et modération dans la réflexion de Germaine de Staël.
  • Thierry Bornand (IEPI, Univ. Lausanne): Utopie et émancipation: autour de Miguel Abensour.
13h30-16h30. - Le futur des institutions démocratiques
  • Yves Sintomer (Univs. Lausanne et Berlin): Les nouvelles figures de la représentation démocratique.
  • Gil Delannoi (CEVIPOF, Sciences Po Paris): Que reste-t-il de la démocratie? Passé et futur d’une idée.
  • Dominique Bourg (Univ. Lausanne): Démocratie, long terme et écologie: état des lieux.
16h30 - Conférence de clôture
  • John Dunn (Univ. Cambridge): The Future of Democracy: Normative Horizon and Causal Expectations.
Bibliographie indicative
  • ADAM, Barbara, GROVES, Chris, Future Matters, Action, Knowledge, Ethics, Leyde, Boston, Koninklijke Brill, 2007. 
  • ADAM, Barbara, Time and Social Theory, Cambridge, Polity Press, 1990. 
  • ANDERS, Günther, Die atomare Drohung, radikale Überlegungen, Munich, Verlag C. H. Beck, 1981. 
  • BOURG, Dominique, PAPAUX, Alain, Vers une société sobre et durable, Paris, PUF, 2010. 
  • BOURG, Dominique, WHITESIDE, Kerry, Vers une démocratie écologique, le citoyen, le savant et le politique, Paris, Le Seuil, La République des Idées, 2010. 
  • CHOLLET, Antoine, Les temps de la démocratie, Paris, Dalloz, 2011. 
  • DILAS-ROCHERIEUX, Yolène, L’utopie, ou la mémoire du futur, Paris, Pocket, 2007. 
  • DUNN, John, Western Political Theory in the Face of the Future, Cambridge, Cambridge University Press, 1979. 
  • DUPUY, Jean-Pierre, Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Le Seuil, 2002. 
  • GORZ, André, Écologica, Paris, Éditions Galilée, 2008. 
  • HARTOG, François, Régimes d’historicité, présentisme et expériences du temps, Paris, Le Seuil, 2003. 
  • HARVEY, David, The Condition of Postmodernity, Malden, Blackwell, 1990. 
  • JONAS, Hans, Das Prinzip Verantwortung, Versuch einer Ethik für die technologische Zivilisation, Francfort-sur-le-Main, Insel Verlag, 1979. 
  • KOSELLECK, Reinhart, Le futur passé, contribution à la sémantique des temps historiques [1979], Paris, Éditions de l’EHESS (trad. par Jochen Hoock et Marie-Claire Hoock), 1990. 
  • LAÏDI, Zaki, Le sacre du présent [2000], Paris, Flammarion, 2002.
  • LUHMANN, Niklas, «The Future Cannot Begin», Social Research, 43, 1, 1976, pp. 130-152. 
  • MCTAGGART, John E., «The Unreality of Time», Mind, 17, 1908, pp. 457-474. 
  • MICHON, Pascal, Les rythmes du politique, démocratie et capitalisme mondialisé, Paris, Les prairies ordinaires, 2007. 
  • MÜNSTER, Arno, Principe responsabilité ou principe espérance ? Hans Jonas, Ernst Bloch, Günther Anders, Lormont, Le bord de l’eau, 2011. 
  • OSBORNE, Peter, The Politics of Time, Londres, Verso, 2011.
  • POMIAN, Krzysztof, «La crise de l’avenir», Le Débat, 7, 1980, pp. 5-17. 
  • —, L’ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984.
  • ROSA, Hartmut, Accélération, une critique sociale du temps [2005], Paris, La Découverte (trad. par Didier Renault), 2010. 
  • RUMPALA, Yannick, Développement durable, ou le gouvernement du changement total, Lormont, Le bord de l’eau, 2010. 
  • TABBONI, Simonetta, Les temps sociaux, Paris, Armand Colin, 2006.
  • TAGUIEFF, Pierre-André, L’effacement de l’avenir, Paris, Éditions Galilée, 2000. 
Conseil scientifique 
  • John DUNN (University of Cambridge)
  • Alexandre ESCUDIER (CEVIPOF, Sciences Po Paris)
  • Bernard MANIN (EHESS, New York University) 
Organisation 
  • Biancamaria FONTANA (CHIPI, Université de Lausanne)
  • Dominique BOURG (Université de Lausanne)
  • Antoine CHOLLET (CHIPI, Université de Lausanne) 

Partenariat 
  • Interface Science-Société (ISS), Alain KAUFMANN, directeur (Université de Lausanne)
Lieu
Université de Lausanne, Salle Anthropos Café - Bâtiment Amphipôle
Entée libre
Plan d'accès: cliquez ici

Contact
Programme détaillé, argument et bibliographie