40e anniversaire des universités parisiennes
Appel à contributions
Colloque international
De l’université de Paris aux universités franciliennes
30 et 31 janvier 2014
(limite: 1er mars 2013)
Dans l’esprit du grand public, l’université de Paris est
généralement identifiée au quartier Latin. Ce cliché, hérité d’une histoire
multiséculaire est encore celui qui domine lors de la crise étudiante de mai
1968 quand l’ORTF diffuse les premières images d’un mouvement qui a pourtant
démarré à Nanterre en mars de la même année. Depuis le milieu des années 1950
en effet, l’université de Paris, qui depuis longtemps déjà était sortie de son
quartier historique a déployé des antennes au-delà de la ligne du futur
périphérique. La faculté des sciences d’Orsay (1954-1965), la faculté des
Lettres (1964) puis de droit et sciences économiques (1966) de Nanterre, le
projet de Villetaneuse (1960-1967) et les centres expérimentaux de Dauphine
(1968) et Vincennes (1968) anticipent, entre 1955 et 1968 la grande
transformation de l’université de Paris à la charnière des années 1960 et 1970.
Á la suite de la loi Faure (12 novembre 1968) et du décret Guichard du 21 mars
1970, treize universités vont progressivement s’autonomiser entre 1971 et 1972
dont quatre dans les nouveaux départements de la petite couronne. Dès cette
époque, les villes nouvelles en voie de construction dans la grande couronne
prévoient des terrains à affecter à des implantations universitaires. Il faudra
cependant attendre une vingtaine d’années pour que les premières antennes
universitaires de ces villes nouvelles deviennent des établissements de plein
exercice dans le cadre du plan Université 2000.
L’histoire de cette grande
transformation n’a jamais été faite, même si de nombreuses études ont été
consacrées à l’histoire de la Sorbonne, aux histoires particulières de
certaines des treize universités nées de son éclatement et, bien entendu, à
l’évolution des universités en général dans le second XXème siècle.
Cette absence de synthèse est d’autant plus paradoxale qu’au mouvement
d’essaimage et de nouvelles formes institutionnelles qui a caractérisé les
années 1955-1995 s’est substitué, depuis le milieu des années 2000, un
mouvement contraire de rapprochements institutionnels dans le cadre des pôles
de recherche et d’enseignement supérieur (PRES). Á l’image de ces grands
ensembles qu’on détruit sans en avoir fait l’histoire, notre époque retisse une
trame universitaire sans réellement connaître les conditions de fabrication du
« métier » qui l’a produit. L’absence de synthèse ne signifie pas
pour autant l’absence de mémoire et au moment où la génération des
universitaires qui a bâti les nouvelles universités franciliennes part en
retraite, force est de constater que le détail des partitions disciplinaires ou
la légende des expérimentations universitaires restent vives. Là-encore, le
risque est grand d’en rester à cette histoire héroïque. Comment en effet
mesurer l’impact réel de la crise de 1968 sur une transformation de la carte
universitaire envisagée depuis plusieurs décennies par les responsables
scientifiques et administratifs de l’Université de Paris ? Comment encore
retrouver les fils conducteurs d’une histoire que la mémoire collective
envisage de manière fragmentée (l’époque d’Orsay et de Nanterre, celle de la
loi Faure, celle du plan Université 2000) ?
Ces questions sont au cœur de
l’évolution récente de l’historiographie de l’université de Paris qui a été en
grande partie renouvelée sous l’effet conjoint – mais non encore croisé – de
plusieurs chantiers disciplinaires. Une première approche réside dans le
travail effectué sur l’évolution de la cartographie universitaire nationale,
l’exemple atypique de Paris étant ici restitué dans une dynamique plus
générale, permettant notamment d’interroger le rapport entre les universités
franciliennes et les universités du bassin parisien, voire la question complexe
des relations entre les nouvelles implantations universitaires en province des
années 1950-1960 et l’époque de la grande transformation de l’université de
Paris. Une seconde approche provient de
l’intérêt croissant de nombreuses disciplines universitaires pour la genèse de
leur histoire scientifique et institutionnelle ou de leur didactique. Initiée
par l’histoire des sciences, ce mouvement touche aujourd’hui des disciplines
aussi diverses que l’anglais, la sociologie, la philosophie, le droit ou les
sciences économiques et de gestion. Si elles ne se limitent certes pas aux
universités franciliennes, ces approches ne peuvent faire l’économie d’un
détour par la capitale compte-tenu du poids symbolique de l’université de Paris
et de l’étendue des reconfigurations disciplinaires induites par la loi Faure.
Une troisième approche réside dans l’intérêt manifesté récemment par l’histoire
de l’art et de l’architecture pour « les années ZUP ». Le double
mouvement d’ouverture aux chercheurs de fonds d’architectes bâtisseurs des
nouvelles universités des années 1960-1970 voire plus récemment des années 1990
et d’une redécouverte de la diversité architecturale de la fin des Trente
Glorieuses a initié des monographies (Jussieu, Tolbiac, etc.) ouvrant la voie
d’une mise en perspective du patrimoine architectural des universités
franciliennes. Enfin, une quatrième approche est venue de la demande sociale et
institutionnelle au moment du quarantième anniversaire du démembrement de l’université
de Paris (31 décembre 1970). Amorcée par les travaux historiques et
sociologiques renouvelant notre connaissance de Mai 1968, une série de journées
d’études, colloques, tables-rondes et publications anniversaires ont permis de
revisiter (Paris VIII, Paris X) ou plus simplement d’amorcer (Paris IX, Paris
XII, Paris XIII) l’histoire des nouvelles universités parisiennes du tournant
des années 1960 dont on ne connaissait parfois quasiment rien. Parallèlement,
certaines universités de villes nouvelles célébraient leur vingtième
anniversaire posant par là même les premiers jalons d’une mise en perspective
historique.
Reste que si l’histoire de la
transformation de la Sorbonne nous est aujourd’hui mieux connue, les approches
et plus encore les dynamiques qui sont à l’origine du renouvellement des
connaissances risquent fort de demeurer à l’état de fragments ou de moments
commémoratifs si l’on ne prend pas le temps nécessaire de dresser un état des
lieux et de confronter les approches. Un comité scientifique
pluridisciplinaire, réunissant des chercheurs, des conservateurs et des
archivistes a donc adopté en juin 2012 le projet d’un colloque
pluridisciplinaire portant sur l’histoire récente de l’université de Paris,
couvrant les transformations matérielles, institutionnelles, scientifiques et, in fine, humaines entre les années 1950
et les années 1990. Après en avoir débattu, le comité a décidé de concentrer le
colloque sur l’histoire des seules universités franciliennes, à l’exclusion
donc des autres grands établissements
d’enseignement supérieur, grandes écoles et de recherche (notamment le CNRS)
jugées suffisamment pourvues d’études historiques, même s’il a paru évident que
les histoires étaient très souvent imbriquées. Compte- tenu de cette première
limitation, trois axes de réflexions paraissent pouvoir orienter la réflexion
et la recherche.
Le premier concerne l’histoire
institutionnelle de l’université de Paris. Cette histoire est tout d’abord
celle de l’élaboration progressive d’une nouvelle carte universitaire. Si la
forme définitive de cette carte nous est connue, que sait-on des étapes et des
lieux de son élaboration et des arbitrages effectués ? A-t-on d’emblée
envisagé un développement radio-concentrique suivants les points cardinaux ou a-t-on
au contraire d’abord opté pour un développement au sud de la capitale ?
Comment identifier les projets avortés (projet d’origine de la cité
universitaire d’Antony, université technologique de Villetaneuse passée à
Compiègne) dont la mémoire collective perd souvent la trace mais qui peuvent
ressurgir lors de périodes d’embellie budgétaire comme le plan Université
2000 ? Que sait-on de la gestion complexe par les établissements de
composantes (IUT), de sites ou d’antennes multiples ? Cette histoire est
aussi celle des conditions d’implantations des universités sur des emplacements
(bâtiments de l’OTAN, Halle aux vins, bois de Vincennes, etc.) ou des
territoires (Orsay, Nanterre, Créteil, Villetaneuse puis Guyancourt, Cergy, Évry,
Noisy-Champs) où elles furent plus ou moins imposées et plus ou moins
acceptées. En ce sens, il apparaît difficile de retracer l’histoire
institutionnelle des universités franciliennes sans prendre en compte les
conditions spécifiques de leur territorialisation, tant sous l’angle
urbanistique (accessibilité, insertion urbaine) que sous l’angle politique
(rapports avec la ville de Paris, les communes de banlieue concernées, les
départements et les syndicats intercommunaux mais aussi les établissements
publics d’aménagement et in fine la
région parisienne et les régions et grandes villes du bassin parisien
directement concernées). En ce sens aussi, on se doit de considérer que la
carte universitaire ne relève pas simplement de la compétence du ministère de
l’Enseignement supérieur/Éducation nationale mais aussi de celle d’autres
ministères comme l’Intérieur (sécurité des campus, relations avec les
collectivités locales), l’Équipement (dessertes routières et aménagement des
réseaux), l’Assistance publique - hôpitaux de Paris (pour les CHU) et la DATAR
(les universités constituant comme les hôpitaux des établissements structurant
pour l’aménagement du territoire). Il y aurait enfin intérêt à prendre en
compte la cartographie alternative et encore méconnue des acteurs eux-mêmes (syndicats
étudiants ou d’enseignants-chercheurs) et celle des partis d’opposition au
régime gaulliste.
Le deuxième concerne le patrimoine des universités
franciliennes, le terme étant naturellement entendu au sens large. Comment tout
d’abord rendre compte de l’histoire architecturale des bâtiments universitaires
dans et en dehors de Paris ? Derrière la gestion complexe d’un bâti
remontant aux débuts de la Troisième République et à l’Entre-deux-guerres, les
créations de nouveaux campus mais aussi les extensions des établissements
existants vont mobiliser plusieurs générations d’architectes. Existe-t-il des
« typologies architecturales » spécifiques à l’avant et à l’après
1968 ? Comment expliquer les convergences (architecture industrielle) et les
divergences (tours de Tolbiac versus architecture horizontale à Nanterre) entre
les sites voire à l’intérieur des sites eux-mêmes (centre littéraire versus
centre scientifique à Villetaneuse) ? Les universités de villes nouvelles
contribuent-elles à renouveler l’architecture universitaire francilienne ?
Au-delà de l’univers des formes liées à l’enseignement et à la recherche
(amphithéâtres, salles polyvalentes, salles de TP, bibliothèques, laboratoires
scientifiques), aux différents types de bâti (campus constitué, IUT et antennes
universitaires isolées, centres hospitaliers universitaires, logements
étudiants, installations sportives, etc.), des modèles (polyvalence des
espaces, placettes, galeries, etc.) ou des contre-modèles (campus de Nanterre)
comment rendre compte des usages des nouveaux et des anciens espaces
universitaires (le partage de la Sorbonne entre Paris I, Paris III, Paris IV,
Paris V) ? Parallèlement à l’architecture, la généralisation de la
politique du 1% artistique mise en place en 1951 contribue à augmenter le
patrimoine artistique des universités en mettant une série d’œuvres (fresques,
murs ou bancs sculptés, bas-reliefs et rondes-bosses en matériaux divers) au
contact direct des usagers. L’inventaire de ce patrimoine artistique devenu
indifférencié avec le temps est rarement réalisé même si chacun convient de la
dimension muséale des sites les plus anciens (fresques de la Sorbonne). Le
patrimoine scientifique des universités franciliennes, pris en charge de
manière très inégale selon les établissements, débouche sur la question des
collections (anatomie, botanique, minéralogie, etc.), embryons de musées
universitaires existants (musée d’anatomie de Paris V) ou encore en devenir
mais aussi sur la question des archives scientifiques. La constitution récente
d’inventaires et d’instruments de recherche constitue de toute évidence une
richesse pour l’histoire des universités franciliennes qu’il importe de
valoriser à l’occasion du colloque.
Le troisième axe concerne l’histoire sociale de la
transformation du tissu universitaire francilien, époque sans précédent et sans
équivalent de mouvements de personnels enseignants, scientifiques et
administratifs et bien sûr d’étudiants. La recherche sociologique a récemment
mis l’accent sur l’intérêt d’une restitution des trajectoires individuelles et
collectives, sur les allers et retours d’un site à l’autre, selon des logiques
à la fois d’opportunités professionnelles, d’engagements idéologiques ou de
reconfigurations didactiques (esthétique, philosophie, langues, sciences
économiques, etc.). Ces mouvements déterminent le partage des tâches, la
hiérarchie symbolique des universités franciliennes, les recompositions
disciplinaires et la construction de leur identité à moyen terme. Ils sont
souvent redoublés par les mobilisations sociales, caractéristiques des
premières années de fonctionnement (première moitié des années 1970) et des
réformes de l’époque d’Alice Saunier-Seïté ou d’Alain Devaquet. Il importe de
resituer ces mouvements dans la moyenne durée – ne pas oublier par exemple la
réforme Fouchet de 1966 derrière la déflagration de Mai 1968 – pour comprendre ce qui se joue au-delà du
temps et/ou des temps de crise. Á cet égard, l’histoire encore mal connue des
disciplines qui cheminent selon des modalités différentes comme le droit ou la
médecine mériterait un éclairage spécifique. Il importe ici de croiser les
échelles d’analyse, en confrontant l’histoire du gouvernement des facultés puis
des universités parisiennes (rôle des recteurs, des présidents, des doyens, des
conseils) encore insuffisamment connue et l’histoire plus globale des hommes et
des femmes qui ont contribué à la transformation de l’université de Paris ou
qui l’ont plus simplement accompagnée. Les recueils d’entretiens, parfois
constitués en archives orales, forment ici une ressource dont le colloque doit
permettre de souligner à la fois l’intérêt et l’urgence.
Modalités
de proposition
Les propositions de
communications (1-2 pages, comprenant un résumé et une présentation de
l’auteur) seront à envoyer avant le 1er mars 2013 à :
Comité scientifique :
Myriam Baron, Florence Bourillon, Ludovic Bouvier, Hélène
Caroux, Christophe Charle, Thérèse Charmasson, Jean-Richard Cytermann, Patrick
Fridenson, Isabelle Gallois, Hélène Gispert,
André Grelon, Christian Hottin, Jean-Philippe Legois, Jean-Noël Luc,
Charlotte Maday, Elénore Marantz, Marina Marchal, Stéphanie Méchine, Pierre
Merlin, Gérard Monnier, Christine Musselin, Sandrine Nicourd, David Peycéré,
Emmanuelle Picard, Benoît Pouvreau, Antoine Prost, Anne Rohfritsch, Monique
Ronzeau, Charles Soulié, Loïc Vadelorge.