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14 déc. 2012

IEP Toulouse, ReDS, RCSL CONGRESS 2013, Call for Papers: Workshop "L’administration des droits", (limites: résumés, 1 mars 2013; textes, 30 juin 201)

Information transmise par Fr. Audren:
Institut d'Etudes politiques de Toulouse
Réseau européen Droit & Société
RCSL CONGRESS 2013
Sociologie du Droit et Action Politique / Sociology of Law and Political Action / Sociología del Derecho y Acción Política

Call for Papers
Workshop

L’administration des droits
The administration of rights

(limites: résumés, 1er mars 2013; textes, 30 juin 201)

Responsable(s) / Chair

  • Pierre-Yves Baudot (UVSQ, chercheur au CESDIP et chercheur associé au CEE)
  • Anne Revillard (Sciences Po, OSC-LIEPP)
Thème / Subject
Sociologie politique des modalités de mise en oeuvre des droits dans l’action publique (dispositifs d’accès aux droits et d’attribution des droits)

Mots-clé / Keywords
droits - administration publique - ethnographie des institutions - relation administrative - politiques
sociales
rights - public administration - institutional ethnography - administrative relations - social policy

Description
Dans le sillage d’une prolifération des analyses de sciences sociales interrogeant les modalités de présence des droits dans l’action publique1, ce workshop se propose d’aborder sociologiquement la question des droits à partir des modalités de leur mise en oeuvre et de leur effectivité dans le quotidien de l’action administrative et para-administrative (Epp, 2010). En effet, si la question des droits est fréquemment associée à l’arène judiciaire, ou encore aux actions de mobilisation des mouvements sociaux (lieux et acteurs privilégiés de la défense des droits, où celle-ci se trouve mise en scène de la façon la plus visible, voire la plus spectaculaire) (Commaille et Kaluszynski, 2007 ; Israël, 2009), les droits trouvent d’abord et avant tout une incarnation à la fois plus quotidienne et plus feutrée dans les dispositifs d’action publique servant de supports à leur mise en oeuvre : guichets administratifs et commissions d’attribution des droits (Dubois, 2010 ; Siblot, 2006 ; Weller, 1997), dispositifs publics et para-publics (associations, agences, autorités indépendantes) de l’accès aux droits (D’Halluin, 2010 ; Fischer, 2009 ; Lejeune, 2011 ; Warin, 2007). C’est donc à cette modalité plus « banale » de présence des droits dans l’action publique que ce workshop entend s’intéresser, à partir de trois pistes de questionnement non exclusives. 

I. Les acteurs des droits.
Tout d’abord, qui sont les acteurs de cette mise en oeuvre quotidienne des droits, et comment ont-ils évolué ?

1. Nous souhaitons premièrement prendre la question des droits comme un mode de régulation de l’activité administrative. La sociologie de l’action publique est ici à même d’informer utilement l’analyse de l’effectivité des droits, en prenant appui sur la sociologie des organisations et des professions : les dynamiques de réformes de l’administration (Bezès 2009) affectent-elles les modalités d’attribution des droits, notamment en imposant, de par l’augmentation du nombre d’acteurs impliqués dans le gouvernement des politiques sociales, l’émergence de structures collectives d’attribution de droits ? Quelles sont les incidences de la pression sur les finances publiques et du resserrement des effectifs de la fonction publique sur l’évaluation des dossiers et les délais d’ouverture des droits ?

2. Nous souhaitons deuxièmement montrer, à l’aide d’une ethnographie plus fine des dispositifs d’action publique, l’impact du travail de « premier rang » sur les catégories des droits. La sociologie du travail de guichet oppose une « éthique pragmatique » de l’équité de traitement (Warin 2002) et le sens du professionalisme (Evans 2010) au rigorisme juridique des petits fonctionnaires (Spire 2008; Dubois 2005; Dubois 2009). L’approche s’est centrée sur les trajectoires biographiques et institutionnelles des agents, sur l’étude de leur position dans l’organisation, en considérant le respect de la norme de droit comme un résultat de ces procédures, et comme un référent à l’aune duquel interroger les pratiques. Nous voudrions ici interroger la prise en compte de la norme de droit dans les pratiques d’attribution des droits elle-mêmes : en quoi le respect de la norme de droit permet également de réguler les relations formelles entre institutions et informelles entre collègues d’un même bureau d’aide sociale par exemple ? En quoi le respect de la norme de droit est-il un principe de classement des situations et d’appréciation du travail des « petits bureaucrates » ?

1 Le colloque « L’Etat des droits. Pratiques des droits dans l’action publique » organisé les 25 et 26 juin 2012 à l’université Paris 13 et à Sciences Po Paris a proposé un bilan de ces travaux. C’est dans le prolongement de cette première initiative que se situe ce workshop.

3. Troisième angle d’approche des acteurs de l’administration des droits : Quelle place les acteurs associatifs occupent-ils dans ces dispositifs ? Quels sont liens multiples – sur les différences scènes de la mise en oeuvre des politiques publiques – entre les acteurs associatifs et les acteurs publics ? Nous pensons ici à la place importante du secteur associatif parmi les dispositifs d’accès aux droits, mais aussi à la présence de représentants associatifs dans certaines commissions d’attribution des droits (par exemple dans les Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées - CDAPH) mais encore au rôle que les acteurs associatifs jouent dans l’ouverture de l’offre (gestion d’établissement, formation de professionnels) et dans l’administration de cette offre (gestion des listes d’attentes). Qui sont, plus précisément, les acteurs de l’attribution des droits (trajectoires professionnelles, administratives et militantes le cas échéant), et quelles dynamiques de prise de décision émergent dans les dispositifs les plus collégiaux ? 

II. Les activités d’administration des droits
Ensuite, en quoi consistent les activités concrètes d’administration des droits ? Il s’agit de s’intéresser à la mise en oeuvre des droits dans l’action publique, sous les deux volets identifiés de l’accès aux droits et de l’attribution des droits. Les démarches d’ethnographie des institutions administratives et para-administratives seront ici privilégiées en tant qu’elles permettent une identification fine des tâches et processus impliqués dans la mise en oeuvre concrète des droits. Comment l’interaction entre usagers et agents dans les dispositifs d’accès aux droits influence-t-elle l’information donnée ?
Quels filtres interviennent dans l’identification d’une requête comme pouvant donner lieu à une ouverture de droits ou à une démarche de défense des droits de l’usager ? En quoi consiste le travail des agents impliqués, entre activité militante et routine administrative (Chappe, 2010)? En ce qui concerne l’attribution des droits, comment l’individualisation et l’activation des politiques sociales se retraduisent-elles dans l’organisation du travail et dans les procédures de traitement des dossiers au sein des magistratures sociales (Astier, 2000, 2007 ; Duvoux, 2009) ?

III. Les dispositifs d’administration des droits
Enfin, quel est l’impact des dispositifs d’administration des droits sur les usagers et les administrations ? Dans quelle mesure les dispositifs concernés favorisent-ils l’effectivité des droits (encouragement du recours, attribution de droits) ou fonctionnent-ils au contraire comme des freins à l’accès aux droits et/ou comme des moyens de légitimation d’un refus de droit auprès des usagers ? Comment ces orientations opposées peuvent-elles éventuellement coexister au sein d’un même dispositif et comment expliquer ces orientations ? Observe-t-on une différenciation selon les champs du droit concerné (emploi, assurance maladie, prestations familiales, handicap, droit d’asile, droits des détenus…) ? Les populations-cibles font-elles l’objet de dispositifs différents (Ingram et Schneider, 1993) en fonction de la légitimité accordée par les petits fonctionnaires à leurs demandes ? Comment l’effectivité des droits des usagers se décline-t-elle dans ses volets substantiels (accès à des droits) et procéduraux (participation des usagers aux dispositifs concernés) ? Au coeur de cette question, un objet attire particulièrement l’attention : le formulaire de demandes de droit, en ce qu’il constitue l’interface entre l’administré et ses problèmes d’une part (sa biographie, sa demande en attente de qualification administrative) et, d’autre part, l’administration et ses problèmes (la qualification de la demande, le traitement de l’information). Cet outil permet notamment d’envisager l’administration des droits comme un problème administratif. 
Comment la définition substantielle de l’accès au droit est-elle pensée dans l’écriture des formulaires
administratifs ? Quels segments de l’administration s’opposent dans la définition même des formulaires d’accès aux droits, entre formulaire facilitant (pour l’usager/pour l’administration) et formulaire complexifiant (pour l’usager/pour l’administration) l’accès aux droits ? Comment et par qui sont rédigés ces formulaires ? Quelles sont les variations territoriales qui peuvent être mises en évidence ?

Telles sont quelques-unes des pistes de questionnement que ce workshop souhaite approfondir. Les contributions originales de différentes disciplines (sociologie, science politique, droit, histoire, anthropologie...), en français ou en anglais, devront mentionner précisément le matériau empirique mobilisé et les méthodes d’enquête employées.

Les résumés devront être envoyés pour le 1er mars 2013 au plus tard, et les textes des communications au 30 juin 2013 au plus tard.

Bibliographie

  • Astier, Isabelle (dir.) (2000), « Les magistratures sociales (Dossier), Droit et Société, n.44-45.
  • Astier, Isabelle (2007), Les nouvelles règles du social, Paris : PUF, Le Lien social.
  • Bezès, Philippe (2009), Réinventer l’Etat. Sociologie politique des réformes de l’administration
  • française (1962-2008). Paris, PUF.
  • Commaille, Jacques et Martine Kaluszynski (2007) La fonction politique de la justice. Paris : Éditions
  • La Découverte.
  • Chappe, Vincent-Arnaud (2010) « La qualification juridique est-elle soluble dans le militantisme ?
  • Tensions et paradoxes au sein de la permanence juridique d'une association antiraciste », Droit et
  • Société , n° 76
  • D’Halluin, Estelle. (2010) « Passeurs d’histoires. De l’inconfort des acteurs associatifs impliqués dans
  • l’aide à la procédure d’asile », in Les nouvelles frontières de la société française, sous la direction de
  • Didier Fassin. Paris : La Découverte, p. 363-383.
  • Dubois, Vincent. (2005). « L’insécurité juridique des contrôleurs des CAF ». Informations sociales, n°
  • 126, p. 48-57.
  • Dubois, Vincent. (2009). « Le paradoxe du contrôleur ». Actes de la recherche en sciences sociales
  • n°178, p. 28-49.
  • Dubois, Vincent. (2010) La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère. Paris:
  • Economica.
  • Duvoux, Nicolas. (2009) L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion. Paris, PUF.
  • Epp, Charles. (2010) Making Rights Real. Activists, Bureaucrats and the Creation of the Legalistic
  • State, Chicago : University of Chicago Press.
  • Evans, Tony. (2010). Professional discretion in welfare services: beyond street-level bureaucracy.
  • Ashgate Publishing, Ltd.
  • Fischer Nicolas (2009), « Une frontière négociée. L’assistance juridique associative aux étrangers
  • placés en rétention administrative », Politix, n. 87, p. 71-92
  • Schneider Anne et Helen Ingram, 1993, « Social construction of target populations : implications for
  • politics and Policy », American Political Science Review, vol. 87, n°2, 334-347
  • Israël, Liora. (2009) L'arme du droit. Paris: Presses de Sciences Po/Contester.
  • Lejeune, Aude. (2011) Le droit au Droit. Paris: Editions des archives contemporaines.
  • Spire, Alexis. (2008). Accueillir ou reconduire: Enquête sur les guichets de l’immigration. Paris: Raisons
  • d’agir.
  • Siblot, Yasmine. (2006) Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers
  • populaires, Paris : Presses de Sciences Po.
  • Warin, Philippe. (2002). Les dépanneurs de justice: les « petits fonctionnaires » entre égalité et équité.
  • Paris : LGDJ.
  • Warin, Philippe (2007) L'accès aux droits sociaux. Grenoble: Presses universitaires de Grenoble.
  • Weller, Jean-Marc. (1999) L’Etat au guichet. Sociologie cognitive du travail et modernisation
  • administrative des services publics, Paris : Desclée de Brouwer.