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2 mai 2013

Univ. Nantes, DCS, Appel à contributions, JE, "Réprimer et soigner. Logiques et pratiques des soins pénalement ordonnés", Nantes (limite: 31 mai 2013)

Université de Nantes
Droit et Changement social
Appel à contributions
Journée d’Etudes 

Réprimer et soigner
Logiques et pratiques des soins pénalement ordonnés

Nantes
(limite: 31 mai 2013)
Argumentaire
Les liens entre justice et psychiatrie sont anciens, mais ils prennent aujourd’hui des formes nouvelles et variées. Cette journée d’étude propose d’étudier la situation particulière des soins pénalement ordonnés, qu’il s’agisse des obligations et des injonctions de soins ou encore des injonctions thérapeutiques. Alors qu’ils prennent de l’essor et deviennent une solution de plus en plus appréciée par le législateur pour accompagner la répression d’un certain nombre d’infractions, ces soins posent de nombreuses questions. Au-delà de leur économie, c’est à la fois leur généalogie, leur fonctionnement et leur raison d’être qui sont ici interpellés.

Ces questions ramènent au sens que la loi veut donner à chacune des mesures englobées sous le titre générique de « soins pénalement ordonnés » ; soins qui, derrière une dénomination commune, recouvrent des pratiques dissemblables, dans leur mode d'administration et dans leur(s) motivation(s), aussi bien pour les professionnels du droit que du soin. Chercheurs et professionnels du droit, de la santé et de l’administration pénitentiaire, sont invités à partager leurs expériences et leurs analyses de ces dispositifs. Trois axes sont privilégiés : le premier interroge les pratiques et les relations entre les acteurs impliqués par ces dispositifs ; le second porte un regard historique et épistémologique sur les soins pénalement ordonnés ; le troisième questionne les temps de ces soins particuliers.

Représentations des pratiques et pratiques de l’articulation
Les soins pénalement ordonnés, qui apparaissent dans la législation française avec la loi du 15 avril 1954 concernant les alcooliques dangereux, puis avec celle du 31 décembre 1970 consacrée aux toxicomanes et enfin avec celle du 17 juin 1998 créant l'injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire, obligent le monde sanitaire et celui de la justice à travailler ensemble. Or, la loi du 17 juin 1998 surtout, a provoqué des réactions de la part de chaque institution, interrogeant ou réaffirmant les statuts et prérogatives des uns par rapport aux autres. En effet, alors que certains médecins refusent d’être des auxiliaires de justice, certains magistrats s’opposent à une position de dépendance à l’égard de l’avis médical exprimé par l’expertise, position renforcée par l’attachement des praticiens traitants à l’obligation de secret professionnel. Ainsi derrière cette « articulation » imposée par les lois successives, quid de la réalité de terrain ?

En premier lieu, la manière dont chacun des acteurs s’empare de ces soins et des exigences posées par les textes législatifs et réglementaires sera questionnée. Au regard de ces directives, comment chacun se représente-t-il sa propre fonction ? Tous les professionnels issus d’une même branche ont-ils la même interprétation de leur rôle ? Ces exigences textuelles sont-elles réalisables ? Sont-elles dépendantes de données démographiques variant en fonction des territoires : nombre de situations, de médecins coordonnateurs, d’experts etc. ? En deuxième lieu, nous interrogerons la façon dont chacun se représente le travail et les fonctions des autres acteurs prévus par ces dispositifs, mais aussi ce qu’ils en comprennent. Enfin, nous attendons aussi des propositions relatives à la teneur des collaborations entre les acteurs : magistrats et soignants collaborent-ils et de quelle(s) manière(s) ? Qu’attendent-ils les uns des autres ?

Par ailleurs, si ces mesures ordonnées par les juges mobilisent les soignants, d’autres acteurs sont sollicités, et en premier lieu les conseillers pénitentiaires d’insertion de probation. Depuis quelques années, la mise en place de groupes de prévention de la récidive à orientation non thérapeutique introduit ces professionnels au sein du débat relatif à la prise en charge de la délinquance. Quels liens entretiennent les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation avec les autres acteurs de ces dispositifs ? A qui revient l’initiative de ces liens ? Existe-t-il une articulation entre approche thérapeutique et non thérapeutique ?

C’est donc de cet assemblage imposé entre des acteurs issus de sphères professionnelles différentes que nous proposons de discuter ici.

Généalogie du soin pénalement ordonné. Quelles conceptions de la peine et du soin, pour quels acteurs et quel(s) public(s) ?
Une étude historique et épistémologique du soin ordonné par la justice apparaît nécessaire pour en comprendre l’esprit et le fonctionnement théorique recherché. En effet, au regard de ces dispositifs, les rôles, fonctions et missions de la justice comme de la psychiatrie semblent mis en débat. C’est donc ici la manière dont les conceptions théoriques et politiques du soin comme du droit orientent et construisent, tant les publics que les pratiques, qui nous intéresse.

Un regard vers la loi du 15 avril 1954 et vers celle du 31 décembre 1970 permet d’observer un changement au fil du temps des populations initialement visées. Pour chacune de ces deux lois, il est aussi possible d’observer un changement du sens de la peine, oscillant entre prévention de la récidive d’infractions pénales et missions préventives de santé publique. En miroir, on peut observer un élargissement de même ordre du public de la loi du 17 juin 1998 : alors qu’elle visait à l’origine les auteurs d’agressions sexuelles, trois lois, en 2005, 2007 et 2010, ont étendu ces mesures. Derrière cette extension, n’est-ce pas aussi le sens de la mesure portée par cette loi qui se déplace ? Ce mouvement, renforcé par la notion d’évaluation de la dangerosité, vient réactualiser le débat sur la médicalisation de la criminalité, et interroger aussi bien les politiques pénales que le sens du soin.

Cette double interrogation se concentre particulièrement autour de deux thématiques qui servent bien souvent d’arguments contre le dispositif des soins pénalement ordonnés. La première thématique renvoie à l’absence de correspondance entre catégories pénales et nosographies psychiatriques. La deuxième réfère à la question du consentement et à son obtention.

L’absence de correspondance entre catégories pénales et nosographies psychiatriques entraîne plusieurs points de questionnement susceptibles de mettre à mal l’articulation entre soin et justice. Ce décalage vient mettre en exergue l’écart des pratiques mais aussi des missions. Ce hiatus rend par conséquent primordiale une analyse du public visé : qui sont ces personnes ? Par exemple, les expressions de « patients pas comme les autres » ou de « non-malades » émaillent les témoignages relatifs aux soins pénalement ordonnés. Elles renvoient à des dissensions profondes chez les soignants notamment sur l’acceptation de cette mission de « soin sur ordre de justice ».

De la même manière, l’obtention du consentement, tant du point de vue de la justice que du soin, pose un certain nombre de difficultés au regard des dispositions prévues par les textes de loi. Cette question, qui pourrait au premier abord rassembler juristes et soignants, vient cependant prendre une autre envergure lorsque le consentement attendu se trouve complété du côté des soignants de l’attente d’une demande bien souvent qualifiée d’authentique. L’absence de demande permet alors à un certain nombre de praticiens, qui contrairement aux personnes condamnées, ne sont soumis à aucune obligation de les accepter dans leur file active, de refuser les prises en charge de telles personnes. « Consentement » et « demande authentique » sont ainsi à la source de dissensus entre les représentants des deux corps mais aussi entre les professionnels du soin eux-mêmes. Ces arguments ne viennent-ils pas en écran d’autres raisons plus personnelles chez les soignants directement rattachées aux représentations liées à la figure du criminel, de l’agresseur sexuel, du pédophile etc ?

Les temps du soin : entre indications et incitation, entre ruptures et continuité
Aborder les soins pénalement ordonnés suppose aussi de traiter des différents temps qui composent ou entourent ce soin.

Le premier temps que nous proposons de prendre en compte est celui de l’indication du soin, qu’il soit ou non déclenché par une expertise médicale. En effet, si l’expertise constitue une condition sine qua non de l’injonction de soin, elle ne reste que contingente pour l’obligation de soin et l’injonction thérapeutique. Comment comprendre cette différence entre les mesures ? Quel rôle et quel sens le juge et au-delà l’expert, la personne expertisée et le praticien traitant attribuent-ils à l’expertise ?

Le deuxième temps s’intéressera aux soins menés durant l’incarcération, à leur nature comme à leurs conditions. Concernant la nature du soin, les propositions pourront par exemple aborder le type de suivi envisagé et sa logique : sur quels critères ou motivations un suivi est-il entamé ou au contraire non débuté ? Le suivi est-il individuel et/ou groupal ; s’inscrit-il dans une logique de prévention de la récidive ou dans celle d’un suivi plus général, laissant par exemple de côté les raisons de l’incarcération ? Par conditions, nous entendons à la fois ce qui relève des clauses prévues par la justice et ce qui a trait à l’organisation du soin. Les premières se traduisent notamment par des incitations au soin. Nous attendons ici des communications interrogeant ou présentant à la fois ce « jeu » des incitations et leurs effets sur la prise en charge. Les deuxièmes, portant sur les aspects organisationnels, dépendent notamment des contraintes liées à la détention. Cela invite à questionner la place du soin au sein de la prison, tant dans sa géographie que dans ses relations avec les autres acteurs (en particulier les gardiens, mais aussi les autres détenus). Pourront alors être décrits et abordés les éléments favorisant ou empêchant l’organisation de tels suivis, tels que le rythme et la régularité des rendez-vous, la disponibilité des patients comme des professionnels etc.

Le troisième temps est probablement le plus complexe à appréhender. Il concerne les moments « flottants » de la rupture et de la continuité. Un même détenu peut par exemple passer dans plusieurs établissements durant son incarcération et entreprendre, dans des délais plus ou moins variables, un nouveau suivi à chaque fois. De la même manière, lors de sa sortie, il peut, à l’occasion de déménagements, multiplier les praticiens traitants, ou tout simplement être suivi par plusieurs soignants de différentes spécialités (alcoologie, endocrinologie, etc.) simultanément. Ce troisième temps interroge donc directement l’articulation, entre soignants d’une part, entre juridictions répressives d’autre part, entre soignants et juges enfin. Dans ces différentes situations, quelle visibilité soignants et juges ont-ils de ces parcours ? Comment abordent-ils ces ruptures dans les suivis ? Ces ruptures temporelles permettent-elles une continuité du soin ? Comment se met en place le soin à la sortie d’incarcération ? Existe-t-il une transmission des dossiers ou d’informations et quelles informations sont alors transmises ? Enfin, nous attendons aussi des propositions de communication traitant du suivi au-delà de la peine, c’est-à-dire de sa continuité en dehors de toute contrainte légale. Comment cela se négocie-t-il entre le thérapeute et le patient ? Des changements interviennent-ils dans le suivi ? etc.

Modalités de soumission
Nous attendons des témoignages comme des communications plus théoriques de la part des professionnels (du droit, du soin et de l’administration pénitentiaire) et des chercheurs de différentes disciplines (droit, médecine, sociologie, psychologie, philosophie, histoire, anthropologie etc.). L’objectif de la journée étant de permettre l’échange entre professionnels et disciplines de champs différents, nous privilégierons les communications rédigées de manière compréhensible pour les non-initiés à la discipline de l’auteur.

Chaque proposition de contribution, d’une longueur de 2500 signes (espaces compris) précisera :
  • Le titre de la communication
  • L’axe dans lequel la contribution s’inscrit (si possible)
  • La problématique et le mode d’approche de la question (témoignage, analyse théorique, étude de terrain)
  • Les coordonnées du ou des auteurs : nom, prénom, titre et fonctions, adresse professionnelle, email, téléphone

Les propositions sont à envoyer sous la forme d’un fichier word : Nom auteur-SPO.doc (ou docx) à :
Renseignements : 02-40-48-39-78

Calendrier
  • Date limite d’envoi des propositions : 31 mai 2013
  • Date de notification aux auteurs : 21 juin 2013
  • Date limite de réception des textes complets : 7 septembre 2013

Cette journée d’étude est organisée par le programme transversal Germes (Groupe d’études et de recherches : maladies et sociétés) du Laboratoire Droit et changement social - UMR CNRS 6297- Université de Nantes. Ce programme est financé par la Région Pays de la Loire et est agréé par le conseil scientifique Maison des sciences de l’homme Ange-Guépin.

Comité scientifique
  • Laurent DESBLANCS (PH, CH Daumezon, psychiatrie, médecin coordonnateur) ;
  • Virginie GAUTRON (MCF, droit, DCS, U. de Nantes) ;
  • Armelle GRENOUILLOUX (PH, CH Cholet, psychiatrie, docteure en philosophie) ;
  • Sylvie GRUNVALD (MCF-HDR, droit, DCS, U. de Nantes) ;
  • Anne-Chantal HARDY (DR CNRS, sociologie, DCS) ;
  • Cédric LE BODIC (Docteur en psychologie, post-doctorant, DCS, Centre François-Viète, U. de Nantes, psychologue clinicien, EPSM Morbihan) ;
  • Caroline MANDY (Docteure en droit, post-doctorante, DCS, U. de Nantes)
Lieu
Maison des Sciences de l'Homme Ange-Guépin - 5 allée Jacques Berque, Nantes, France (44)

Fichier à télélcharger (Calenda.org)
Contact
Renseignements: 02-40-48-39-78

Source: «Réprimer et soigner», Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 18 avril 2013, http://calenda.org/245077