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16 nov. 2014

Asso franç Docteurs en Droit, "Le doctorat en droit, histoire du droit, sc. po., éco. ou de gestion au 21° s.", Position de l’AFDD, 19 sept. 2014

Information transmise par D. Tricot:
Association française des Docteurs en Droit
Le doctorat en droit, histoire du droit, sciences politiques, économiques ou de gestion au 21° siècle
Position de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD)
Paris, le 19 septembre 2014

"Association française des Docteurs en Droit
Reconnue d'utilité publique Décret du 28 février 1966
Siège : 11, place Dauphine – 75001 Paris


Adresse de correspondance                                                       
34 rue de la Pompe - 75116 PARIS
                                                                           
                                                          

Courriel de l’association : contact@afdd.fr
Site internet : www.afdd.fr                                                                                                                      Paris, le 19 septembre 2014


Le doctorat en droit, histoire du droit, sciences politiques, économiques ou de gestion
au 21° siècle

Position de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD)





Ce document est le fruit d’une longue réflexion conduite depuis plusieurs années au sein de l’AFDD. Il expose la position actuelle de l’AFDD sur le doctorat au moment où des choix importants sont en débat. Après le constat (I), il présente des propositions (II).

Il a été adopté à l’unanimité par le Conseil d’administration de l’AFDD réuni le 19 septembre 2014.



I.             Le constat

A.   Le modèle européen - et même mondial - du LMD (Licence, Master, Doctorat)
Le doctorat est reconnu comme le diplôme le plus élevé.
Il suppose une formation à la recherche par la recherche.
Il n’a pas vocation à se cantonner dans une structure académique : le doctorant n’est plus un étudiant mais un chercheur en formation professionnelle.

B.   Un diplôme d’excellence 

Le doctorat des universités françaises est reconnu comme un diplôme d’excellence dans le monde entier, y compris aux USA, et méconnu, voire méprisé en France.

Les grandes écoles (Sciences Po, HEC, ESSEC, ESCP Europe, Polytechnique, etc.) ont compris que leur reconnaissance internationale passe par le doctorat et utilisent la puissance de leurs réseaux d’anciens (les alumni) pour trouver des financements, promouvoir leurs chercheurs et exploiter leur expertise.

Par contraste, trop de docteurs en droit, science politique, économique ou de gestion, qu’ils soient professeurs, maîtres de conférences ou engagés dans la vie des entreprises ou des administrations, semblent indifférents à la défense et à la promotion de ce qui constitue le fleuron des formations universitaires : le doctorant demeure souvent isolé et le jeune docteur oublie parfois que l’union des docteurs est la seule voie pour se faire entendre et reconnaître.

Derrière ce constat, une remarquable exception montre la voie : ce sont les Ecoles doctorales et leurs directeurs qui savent souvent exercer un pouvoir d’organisation, de contrainte et de promotion. Parviendront-ils à obtenir le soutien actif de la communauté universitaire ?


C.   De nouveaux besoins

Malgré le succès des M1 et surtout des M2, l’image du doctorat évolue parmi les jeunes générations.
Il y a seulement quinze ans, la majorité des doctorants en droit avait pour projet professionnel une carrière à l‘Université ou dans les grandes institutions de recherche.
Aujourd’hui, la majorité des nouveaux doctorants en droit - sans doute les deux tiers - entreprennent une thèse dans un but autre qu’académique. Cette nouvelle orientation stimule le débat sur le point de savoir s’il convient, à l’avenir, de conserver un seul doctorat ou de se tourner  vers deux doctorats, le premier à finalité académique ou universitaire, le second à orientation professionnelle ou pratique.

D.  Des moyens méconnus

1.     Le mélange des talents
Dans le journal « Les Echos » des 4 et 5 juillet 2014 (p. 10), Ezra SULEIMAN, politologue et professeur à Princeton observait, en marge des rencontres économiques d’Aix organisées par le Cercle des Economistes sur le thème « Investir pour inventer demain », que « quand vous mélangez des gens de formations différentes et quand il y a frottement d’idées, vous avez de meilleurs résultats » avant de conclure : «La France est championne du monde dans le gaspillage des talents ».
Les docteurs en droit ont remporté un combat difficile en obtenant, à l’unanimité des députés et des sénateurs mais contre l’avis du gouvernement, que les docteurs se voient reconnaître des équivalences pour présenter le deuxième et le troisième concours d’accès à l’ENA. On attend toujours les décrets d’application.
Les entreprises apprécient les qualités des docteurs, leurs facultés d’analyse, leur agilité à provoquer des synthèses, leur aisance dans la rédaction, voire leur talent pédagogique. Pour peu que le docteur sache s’intégrer dans des équipes pluridisciplinaires, il est particulièrement utile pour affronter les nécessaires innovations car il sait, mieux que tout autre, que la loi est évolutive et que les adaptations sont parfois insuffisantes pour créer un avenir innovant, dans les techniques comme dans les priorités. Le droit change, ne nous laissons pas surprendre. Ceci ne vaut pas que pour le droit, bien sûr ; tous les juristes d’entreprise le savent.
Les professions libérales, les cabinets de conseil et d’audit, les services aux entreprises, aux collectivités ou aux personnes ont besoin de la riche expérience des docteurs fondée sur une réflexion maîtrisée et innovante. Jadis, les avocats ne pouvaient exercer que s’ils étaient docteurs en droit. Si cette condition a été abandonnée au cours du 20° siècle, la dispense dont bénéficient les docteurs pour entrer dans les centres de formation des barreaux doit être maintenue, d’autant que, bien souvent,  ils sont les formateurs des candidats à cet examen-concours. Ce maintien de la « passerelle » se justifie à la condition que disparaissent à tout jamais les soutenances de complaisance parfois constatées. L’AFDD ne saurait prêter un quelconque soutien à de telles pratiques, ainsi qu’il va être démontré dans les propositions. Elle se réjouit du renouveau de la formation des futurs avocats qui reçoivent désormais, notamment à Paris, une vraie formation professionnelle sans de vains bégaiements sur les connaissances juridiques précédemment acquises dans les Universités.
L’examen des politiques d’innovation de la France effectué par l’OCDE en 2014 (Examens de l’OCDE des politiques d’innovation France – 2014 - version préliminaire, publié sur le site de l’OCDE) révèle que : « L’État dispose d’un grand nombre de dispositifs pour soutenir la recherche et l’innovation dans les entreprises. Le crédit d’impôt recherche français est pratiquement le plus généreux au monde. Bien qu’il ait un effet positif sur la recherche et le développement des entreprises, celui-ci n’est probablement pas à la hauteur de son coût pour l’État. De multiples programmes et organismes publics assurent une densité forte de l’intervention publique dans l’innovation industrielle, avec des succès non négligeables dans un certain nombre de domaines (pôles de compétitivité). Les petites entreprises d’une part, et les grandes d’autre part, en sont bénéficiaires, alors que les entreprises de taille intermédiaire sont moins soutenues. Les modes de soutien compétitifs (fondés sur des appels d’offre ouverts) sont de plus en plus pratiqués. Au total, l’intervention publique est très granulaire, pas toujours cohérente et manque d’orientation stratégique ». Le même rapport constate que le transfert des connaissances vers les entreprises a souvent été conduit selon une approche administrative (déposer des brevets, créer des entreprises) plutôt qu’économique (valoriser les brevets, faire croître les entreprises).
En effet, «l’entrepreneuriat innovant en France est développé…L’intervention publique y est extrêmement dense à tous les niveaux de la chaîne (création d’entreprise, fiscalité, financement, etc.) et semble avoir un réel impact (par exemple, les aides OSEO). Cette intervention est plus forte que dans d’autres pays, sans que la performance de la France ne semble refléter cette différence : ceci soulève la question de son efficacité. Il faut notamment s’interroger sur la faible sélectivité et la durée de nombreuses aides publiques. Une entreprise peut passer sept ans dans le dispositif Jeune Entreprise Innovante, alors même que son projet ne progresse pas. La survie excessive des entreprises peu performantes nuit à la croissance des autres en les concurrençant pour l’accès aux financements, au travail qualifié et aux marchés ».
Ces observations de l’OCDE s’appliquent particulièrement aux conventions CIFRE qui permettent aux entreprises de bénéficier d’une collaboration peu onéreuse et fructueuse avec les doctorants, chercheurs des universités. Le modèle devrait trouver un développement infiniment plus important pour peu que l’Université et les Entreprises y prêtent quelque attention.
Ainsi que le résume un entrepreneur, « des docteurs, il en faut toujours, mais pas trop ». Telle est la source de la richesse grâce à la conjonction des talents. Jean-Louis GUIGOU note (Les Echos, 27 août 2014, p. 8) que, « face à une France qui se défait, il faut changer la promotion des élites.  Au travers des grandes écoles nationales (ENS, Polytechnique, Agro, Supelec, Sciences po, ENA), l'Etat a assuré un vivier d'élites talentueuses à son service au détriment des autres activités de la nation (l'industrie, le commerce, la recherche, l'artisanat) pour lesquelles les universités doivent fournir des élites de rang inférieur. A rebours de notre devise nationale qui promeut l'égalité, ce système est dual (écoles privées + grandes écoles d'un côté, écoles publiques + universités de l'autre). Il n'est plus du tout adapté aux exigences de l'économie moderne, décentralisée et numérisée, fondée sur les réseaux et la participation d'un grand nombre d'acteurs.».
2.     Le numérique et les MOOC
Les outils numériques vont en effet obliger à changer de modèle. Edouard HUSSON et Grégoire SENILHES (Les Echos, 22-23août 2014, p.5) observent qu’ « aujourd’hui, le véritable défi pour les universités est de se réinventer au travers de la révolution numérique … et des plates-formes de MOOC (« massive open online courses »), en faisant deux paris : le caractère bénéfique d'une pression extérieure sur les universités pour leur faire accepter la révolution digitale ; mais aussi leur capacité à intégrer rapidement l'innovation face aux nouveaux acteurs, les futurs « Apple » ou « Google » de l'éducation. Les universités qui ne se réinventeront pas seront marginalisées, comme les maisons de disques, qui se font désintermédier par Internet, iTunes, Deezer, Spotify».
« Les universités existantes sont déjà concurrencées par des offres de cours en ligne interactifs proposés pour le quart du prix qu'elles pratiquent. L'industrie universitaire se restructure selon une segmentation beaucoup plus compétitive : un centre innovant de fabrication et d'agrégation de contenus pédagogiques, relié à un réseau de lieux d'apprentissage conviviaux, où les étudiants sont suivis par des tuteurs, individuellement ou par groupes ».
« Nous allons vers de nouveaux protocoles éducatifs qui détermineront le taux de « complétion » - c'est-à-dire de succès - des cours suivis, concrétisé pour les étudiants par la capacité à trouver un emploi ou à devenir entrepreneur dans l'économie de la connaissance et de la créativité. L'étudiant ne demande plus au professeur de lui transmettre un savoir « d'en haut » mais de partager, organiser, faire des choix dans la masse des informations à sa disposition ».
« Une telle évolution qualitative met la recherche, fondamentale ou appliquée, plus que jamais au cœur du dispositif universitaire. Mais le défi de la transmission et du financement des contenus de la recherche à l'âge numérique n'est pas moindre que celui soulevé par les MOOC. Comme l'industrie des jeux ou de la musique, l'université va devoir maîtriser la dynamique de l' « open source » et du « freemium », transformer des travaux de recherche en innovations exploitables par les entrepreneurs et les entreprises, qui deviendront ainsi une ressource croissante et déterminante de financement ».
3.     La francophonie
Enfin, la France semble ignorer que son avenir dans le monde, dans la recherche et dans l’innovation, passe par la culture de sa langue, le français. Ce que l’on appelle « la francophonie » est davantage porté par les pays francophones que par la France elle-même.
Le rapport de Jacques ATTALI déposé le 26 août 2014 expose que « le potentiel économique de la francophonie est énorme » (voir « Les Echos » 27 août 2014, p. 8). Le président de PlaNet Finance suggère la création d'une « union économique francophone aussi intégrée que l'Union européenne » dans les domaines de la santé, la technologie, l'enseignement, la culture, la recherche-développement, ou encore les infrastructures. « La France a vocation à être un acteur majeur au sein de deux zones intégrées : l'Union européenne et le monde francophone. C'est bien pour elle un enjeu stratégique, à l'image du Royaume-Uni, qui se considère comme partie intégrante tant de l'Union européenne que du Commonwealth ».
« Ce potentiel existe pour une raison mathématique, d'abord : les 230 millions de gens parlant actuellement français dans le monde pourraient atteindre 770 millions d'ici à 2050 et former alors le 4e espace géopolitique de la planète. Cette évolution démographique s'appuie ensuite notamment sur celle - spectaculaire - du continent africain, lancé lui-même sur une trajectoire de forte croissance économique. Alors que les francophones ne représentent encore aujourd'hui que 4 % de la population mondiale, les 37 pays francophones comptent déjà pour 8,5 % du PIB mondial, et même 16 % si on y ajoute les pays francophiles, avec un taux de croissance moyen de 7 % et près de 14 % des réserves minières et énergétiques ». S'y ajoute une sorte d' « accélérateur » qualitatif : « Deux pays partageant des liens linguistiques tendent à échanger environ 65 % de plus que s'ils n'en avaient pas ». « Il existe bien une corrélation entre le taux de pénétration du français dans un pays et la part des exportations françaises dans ce pays », souligne le rapport. Une dimension vérifiée dans les rapports économiques entre la France et l'Afrique de l'Ouest, où le français est la langue véhiculaire et d'intégration économique. Dans la zone CFA, la France parvient ainsi à faire encore jeu égal avec la Chine. En y regardant plus finement, il faut également compter avec les réseaux des nombreux « francophilophones », ces acteurs importants de la société mondiale tels le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, ou Indra Nooyi, la présidente de PepsiCo, véritables « trésors pour l'avenir de la France ». « A l'heure où l'effacement progressif des frontières nationales a imposé la langue et la culture comme nouvelle géographie, toutes ces dimensions ont été négligées, car la francophonie a été trop souvent considérée comme anecdotique ».
L’AFDD soutient fermement la francophonie, notamment, en ce qui concerne l’Afrique, à travers la promotion et l’exploitation du droit de l’OHADA (Organisation d’Harmonisation pour l’Afrique du Droit des Affaires) .
L’Association, notamment par ses sections nationales en Afrique, dans les Amériques ou en Asie, est devenue, en fait, l’Association Francophone des Docteurs en Droit.



II.           Les propositions

A.   Dans les disciplines juridiques, politiques, économiques ou de gestion, un seul doctorat

La passé a démontré suffisamment qu’un double doctorat (thèse d’Etat, thèse d’Université – thèse de plein exercice, thèse de 3° cycle) conduit à l’échec et à l’abandon de ces formules
L’avenir commande (voir supra : 1. Le mélange des talents, 2.Le numérique et les MOOC, 3. La francophonie) de ne pas séparer la recherche fondamentale de la recherche appliquée.
Cette exigence est d’autant plus impérieuse qu’il s’agit de disciplines humaines, sociales ou économiques qui ne doivent pas être dissociées du concret.
A cela s’ajoute l’abandon de deux travers, très français.
Le premier travers consiste à opposer l’intellectuel au manuel, la conception à la réalisation, la pensée à l’action. Le temps des dactylos est définitivement terminé et l’innovation procède plus souvent de la mise en œuvre que de la création. Le numérique contraint la pensée à se positionner en termes d’application. Le rapport de l’OCDE ne sépare jamais la recherche fondamentale de la recherche appliquée, l’académique du professionnel, l’abstrait du concret. Cela n’est pas même venu à l’idée des rédacteurs car dans la plupart des pays du monde, la recherche forme un tout. Jean Marc VITTORI, éditorialiste aux Echos expose (Les Echos, 1G9 août 2014, p. 5) que la construction accélérée de la puissance de Google en moins de vingt ans procède d’abord d’une logique universitaire : « Le monde académique américain est ouvert sur l'entreprise. Larry Page et Serguei Brin, les fondateurs de Google, ont inventé l'algorithme qui est encore aujourd'hui au cœur de son moteur de recherche dans un travail universitaire. Le brevet a été attribué à l'université de Stanford, qui l'a ensuite cédé à Google moyennant un paquet d'actions revendues plus de 300 millions de dollars sept ans plus tard ».
Le second travers procède d’une inversion dans les pratiques de sélection, à l’image des grandes écoles. En sélectionnant les élèves les plus performants et en consacrant à leur formation des moyens plus importants, la France forme des responsables dont la carrière, sauf accident, est largement prédéterminée. De même, en décidant de hiérarchiser les thèses par une préférence marquée pour les thèses académiques, on est contraint d’apprécier le résultat, non pas à l’achèvement de la thèse, mais à son commencement, le doctorant étant prié de prendre grand soin de ne jamais laisser entrevoir qu’il pourrait un jour tomber dans les méandres de la pratique, même s’il est contraint de vivre par le travail quasi clandestin qui l’occupe dans un Cabinet.
L’AFDD considère que le doctorat d’exercice proposé dans un rapport préalable au ministère (RDP, n° sp. 2013, p. 333) serait une erreur qui nuirait gravement à la place des Universités dans le monde économique et social, celui des entreprises. Les jeunes docteurs sont confrontés à un monde peu favorable à la reconnaissance de leur valeur ; point n’est donc besoin de les déconsidérer en les obligeant à préciser de quel doctorat ils sont titulaires pour s’entendre répondre que leur doctorat, par sa nature propre, ne vaut rien et que « l’autre » n’est pas meilleur.
Il convient au contraire qu’une thèse à orientation académique expose, en conclusion, les résultats de la recherche, les apports nouveaux à la pensée juridique et leurs applications, par exemple, en proposant la rédaction de clauses ou de contrats, l’observation de bonnes pratiques, l’interdiction ou l’éradication de certains errements, etc.
Inversement, une thèse à orientation professionnelle doit énoncer, en conclusion, l’apport de la recherche, tant au niveau des principes que de leurs applications.
L’exposé des résultats s’impose dans les deux cas. Il doit être rendu obligatoire.
Le raisonnement qui vient d’être conduit au regard des entreprises peut être transposé directement au regard des institutions. Lorsqu’une université, un laboratoire de recherche ou un chercheur travaille sur un projet européen de droit des contrats, par exemple, l’activité est-elle celle d’un chercheur académique ou celle d’un chercheur professionnel ? Fait-il de la recherche fondamentale ou de la recherche appliquée ? Il faut cesser de faire semblant de croire que la présence d’un ou plusieurs professionnels dans une équipe de chercheurs universitaires donne à l’activité la coloration d’une recherche appliquée ! Les projets CATALA ou TERRE en droit des obligations sont-ils de la recherche académique ou de la recherche appliquée ?
Le volet 2 (voir le document de travail préparatoire à la concertation, p. 5) envisage « l’ouverture » du doctorat pour créer, soit une forme d’habilitation à exercer une profession réglementée, comme dans le cas de la médecine, soit une forme de reconnaissance académique d’une formation de très haut niveau, associée à une production de connaissances nouvelles enrichie par la confrontation à la recherche et à ses méthodes.
Une telle demande émanerait, en droit, de certains milieux de l’ENA ou de la magistrature.
En clair, il s’agit d’obtenir par un parchemin le titre sans la charge, l’émolument sans l’apport, la rente sans le capital, la thèse sans la recherche, une sorte de peau d’âne pour exploiter à l’étranger un titre usurpé de docteur. No comment !


B.   Dans ces disciplines, une thèse préparée en principe en trois années

Il convient de définir de façon globale l’ampleur de la recherche. A cet égard, l’AFDD considère  qu’une durée de trois années permet de définir opportunément la mesure et les limites de l’effort de recherche demandé ; la bonne mesure, car une recherche approfondie ne peut aboutir qu’en explorant un vaste domaine de connaissances pour comprendre, distinguer, opposer ou concilier et dégager ainsi les idées directrices ; une mesure suffisante, car l’immersion qu’elle suppose permet au doctorant de démontrer suffisamment ses qualités de chercheur, de découvreur d’idées, de liens ou de rapprochements inédits.
Toutefois, il convient de distinguer en fonction des situations, soit pour admettre que le délai de trois ans peut être abrégé si le doctorant est particulièrement brillant ou le sujet moins ample, soit pour accepter son allongement en fonction des possibilités de financement du chercheur ou compte tenu de son activité professionnelle. A cet égard, il convient d’apporter une attention particulière aux professionnels qui « se lancent » dans l’écriture d’une thèse qui peut se révéler particulièrement enrichissante, compte tenu de l’expérience du doctorant. Dans la  magistrature, notamment, nombreux sont les juges ou les procureurs qui ont conduit une remarquable carrière après avoir consacré une partie de leur temps d’activité, par un effort aussi éclairé que déterminé, à la rédaction d’une thèse éclairante. Plus généralement, si l‘obtention d’un doctorat n’est pas toujours récompensée lors des premières années de vie professionnelle, la distinction conférée par cette superbe carte de visite, publique et aisément consultable, se révèle toujours fructueuse pour le développement d’une « belle » carrière. Ce constat s’impose aussi dans les entreprises, le barreau, le notariat ou les activités de conseil, dans le droit comme dans le chiffre.
L’AFDD approuve aussi chaleureusement le développement des thèses soutenues après la réunion de travaux qui démontrent que l’auteur, le plus souvent un professionnel, est digne d’être reconnu comme un chercheur de qualité.

C.   Des thèses préparées dans des Ecoles doctorales aux pouvoirs accrus

Les Ecoles doctorales ont eu une excellente influence sur la qualité des thèses par l’encadrement apporté aux doctorants et l’organisation d’une véritable formation à la recherche.

Il convient de développer les conséquences de cette évolution en améliorant la coordination des travaux de recherche au sein des centres de recherches réunis dans les écoles doctorales.

L’AFDD s’efforce d’établir un lien entre les travaux de recherche des Ecoles doctorales et les besoins des entreprises ; l’objectif est de permettre aux entreprises de connaître les thèmes de recherche des chercheurs et de prendre contact avec telle équipe ou tel chercheur pour engager avec ces découvreurs un dialogue, une collaboration, un contrat CIFRE ou toute autre forme d’activité de réflexion sur les perspectives d’avenir. Il ne s’agit pas de trouver des consultants (les entreprises savent très bien le faire seules avec le concours de leurs avocats) mais de réfléchir ensemble sur des évolutions, des stratégies, des perspectives.

Or, le langage des universitaires se prête mal à une lecture directe et compréhensible des thèmes de recherche par les entreprises. Il y a tout avantage à ce que les Ecoles doctorales prennent clairement en charge la formulation et la communication sur les thèmes de recherche des équipes et des chercheurs qu’elles réunissent.


D.  De bonnes pratiques de délivrance des diplômes

Les universités ont reçu de l’Etat la charge d’effectuer la délivrance des diplômes.
Elles y procèdent avec raison et compétence en L1, L2, L3, M1 et M2, avec leurs mentions.
Pourtant, en doctorat, la pratique universitaire s’est orientée soit vers la suppression des mentions, soit vers une forte tendance à donner la meilleure note à tout le monde, dès lors que le doctorant est autorisé à soutenir sa thèse.
On ne doit plus persister dans de tels errements :
-       Il y a là une violation par les universitaires de leurs devoirs d’Etat,
-       Il en résulte une perte de crédibilité des travaux de recherche qui nuit gravement à l’appréciation de leur qualité réelle,
-       Cette pratique encourage les pré-jugements, selon que la thèse a vocation à être considérée comme une thèse académique ou une thèse professionnelle,
-        Une bonne thèse académique doit recevoir la mention honorable et une bonne thèse  professionnelle doit recevoir la même mention tandis qu’une très bonne thèse académique doit recevoir une mention très honorable et peut-être les éloges du jury, comme une très bonne thèse à finalité professionnelle. En d’autres termes, la thèse doit être appréciée pour sa qualité et non pas en fonction de l’ambition du doctorant,
-       Il ne doit désormais exister aucun opprobre à attribuer à une thèse une mention honorable ou passable, dès lors qu’elle est finalement jugée digne d’avoir été soutenue. Toute note égale ou supérieure à dix sur vingt atteste que l’impétrant est digne du diplôme recherché.


Extrait des délibérations du Conseil d’administration certifié conforme,


Le Président, Daniel TRICOT"