Information transmise par A.-S. Chambost, membre du CNU 03 et K. Fiorentino:
Pour une évaluation par les pairs transparente, impartiale et indépendante des unités de recherche des universités et organismes de recherche français
[reçu le 2 février 2015]
et
Lettre de démission adressée à M. Houssin, Président du Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, Paris, 23 janvier 2015, par A. Cammilleri, Fl. Garnier et C. Nourissat
[reçu le 2 février 2015]
et
Lettre de démission adressée à M. Houssin, Président du Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, Paris, 23 janvier 2015, par A. Cammilleri, Fl. Garnier et C. Nourissat
et
Lettre ouverte à l’attention de M. Houssin
Président du Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur
[reçu par Nomôdos le 2 février 2015]
[adressé à: M. Houssin
Président du Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur]
"Pour une évaluation par les pairs
transparente, impartiale et indépendante
des unités de recherche des universités et organismes de recherche français
Le Haut Comité d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES) est
l’autorité administrative indépendante qui a succédé à l’Agence d'Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) depuis le décret n° 2014-1365 du 14 novembre 2014. Il attend encore à ce jour la désignation de son Président et de son conseil.
l’autorité administrative indépendante qui a succédé à l’Agence d'Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) depuis le décret n° 2014-1365 du 14 novembre 2014. Il attend encore à ce jour la désignation de son Président et de son conseil.
Dans cette phase transitoire et après 7 ans de fonctionnement, alors que les procédures d'évaluation des unités de recherche ont été réfléchies et construites depuis l’origine avec la volonté de hisser l'AERES vers les standards européens et internationaux, il serait inacceptable que le HCERES, à la faveur des mutations actuellement en cours, ne poursuive pas dans la voie tracée, en particulier à la lumière des grands principes juridiques qui gouvernent notre démocratie. Si tout ne peut probablement pas être vu par le seul prisme du droit, il n'en demeure pas moins que les juristes ont, comme les autres – et peut-être plus que d'autres en raison de leur champ de compétence – quelque chose à apporter dans la conception et la pratique des procédures d'évaluation des unités de recherche, en particulier au regard de l'égalité de traitement.
En décidant de démissionner de leurs fonctions la semaine dernière, les délégués scientifiques des disciplines juridiques du HCERES ont entendu tirer la sonnette d'alarme quant aux récentes dérives affectant les processus d'évaluation des unités de recherche. Le soutien unanime de la communauté universitaire juridique à l'égard de cette démarche – dont la gravité ne peut ni ne doit être sous-estimée – témoigne, s'il en était besoin, de l'attachement de cette communauté à des procédures transparentes, impartiales et indépendantes, gages de leur fiabilité. Sans celles-ci, l'évaluation par les pairs, qu'il n'est pas question de remettre en cause, restera lettre morte alors qu'elle est une condition fondamentale d'une recherche publique placée sous le sceau de l'excellence. Il est plus que temps d'en prendre conscience.
Le Président en exercice du HCERES, lors de l'entretien qu'il a accordé aux délégués scientifiques des disciplines juridiques démissionnaires, s'est engagé à tenir dans les meilleurs délais une réunion avec la communauté des juristes afin que puissent être restaurées les bonnes pratiques qui n'auraient jamais dues être oubliées par ceux à qui a été confiée la direction d'une Autorité Administrative Indépendante, faut-il le rappeler. Il serait en effet paradoxal que l'Agence, élevée désormais au rang de Haut Conseil, fasse un chemin inverse dans les procédures que ce dernier est appelé à garantir dans l'avenir… Où alors on se paiera de mots, une fois de plus.
Si la publicité des rapports d'évaluation comme la notation à laquelle ils donnaient lieu ont été passées par pertes et profits à la faveur du décret de 2014 – ce que beaucoup de juristes regrettent –, il est encore temps d'accompagner le HCERES dans ses premiers pas. Et la voie est tracée par le décret du 14 novembre 2014 qui attribue mission au Haut Conseil, lorsque son président et son Conseil seront désignés, de définir «les règles de déontologie applicables aux membres, experts et agents du HCERES, afin de garantir leur indépendance et leur impartialité», de s'assurer «des procédures d'évaluation menées ou validées par le Haut Conseil en prenant en compte la diversité de nature et de mission des structures et des formations évaluées ainsi que la diversité des champs disciplinaires» et de «veiller à l'impartialité, à la fiabilité et à la transparence des évaluations».
Il s'agit, dès lors et très concrètement, de suggérer les pistes à suivre afin que les expertises se déroulent conformément aux principes précédemment rappelés qui ne sauraient être vus comme de simples slogans destinés à alimenter la page d'accueil du site Internet de l'institution.
Parce que nous sommes attachés à des procédures publiques d’évaluation transparentes, impartiales et indépendantes, les principes fondateurs suivants, gages d’une réelle autorité administrative indépendante, doivent être respectés:
L’évaluation par les pairs doit signifier que les experts des comités de visite, ainsi que le délégué scientifique qui représente l’HCERES au moment de la visite, appartiennent à la même discipline que les chercheurs de l’unité évaluée.
L’indépendance du HCERES par rapport aux universités et organismes de recherche doit signifier que ces derniers ne peuvent, interférer de quelque manière que ce soit dans la désignation des experts de la discipline qui constituent les comités de visite, réserve faite de la compétence du Président des sections du Conrs de désigner un expert parmi les membres du comité d’expertise pour les unités mixte de recherche.
L’impartialité de l’évaluation doit signifier qu’il appartient au seul conseil du HCERES de définir les cas précis où un expert ou le délégué scientifique ne peuvent pas participer à l’évaluation pour laquelle il a été pressenti. Doit aussi être précisée la durée pour laquelle cette incompatibilité est applicable.
L’indépendance du HCERES doit signifier que les universités et les organismes de recherche ne peuvent obtenir la révocation de ces experts, sauf cas expressément énoncés et s’imposant à toutes les disciplines représentées au sein du Haut Conseil. Cette révocation suppose une décision publique du HCERES.
La transparence des procédures d’évaluation des unités de recherche implique qu’elles ne sauraient se limiter à une évaluation sur dossier. Elle impose l’obligation d’une visite sur place des unités de recherche par un comité d’évaluation composé d’experts du champ scientifique concerné.
La liberté d’expression des directeurs, des enseignants-chercheurs et des chercheurs des unités évaluées doit être garantie. Elle ne le sera que si les membres de l’équipe évaluée peuvent être auditionnés, hors de la présence des représentants des universités et des organismes de recherche.
La fiabilité et la transparence des évaluations imposent que le rapport rédigé sous l’autorité du Président du comité d’évaluation soit soumis à un véritable processus contradictoire, gage de l’acceptation des conclusions et donc de leur utilité pour l’équipe d’accueil, les universités ou/et les organismes de tutelle.
Une Autorité Administrative Indépendante se doit de l’être vraiment et totalement en ayant pour seuls principes ceux de transparence, d'impartialité et d'indépendance.
Signataires:
Tous les délégués scientifiques ayant contribué à l’évaluation des unités de recherches depuis la création de l’AERES/ HCERES
M. Rostane Mehdi
Coordinateur AERES, Professeur à Aix-Marseille Université et au Collège d'Europe de Bruges; Directeur de l'UMR 7318 "Droit international, comparé et européen" (DICE), Chaire Jean Monnet.
Pr. Xavier Vandendriessche
Coordinateur AERES, Professeur à l’Université de Lille 2, Président de l'Université Lille 2
Mme Christine Neau-Leduc
Coordinateur AERES, Professeur à l’Université Paris 1-Panthéon -Sorbonne
Mme Anne Cammilleri
Coordinateur HCERES, Professeure, Sciences Po Rennes
M. Cyril Nourissat
Professeur à l’Université de Lyon 3, Ancien recteur d’académie
M. Florent Garnier
Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole, Doyen honoraire de l'Ecole de droit de l'Université d'Auvergne
M. Louis-Augustin Barrière
Professeur et doyen honoraire de l’Université de Lyon 3
Mme Wanda Mastor
Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole
Mme Hélène Pauliat
Professeur à l’Université de Limoges
M. François Saint-Bonnet
Professeur à l’Université Paris 2-Panthéon-Assas
M. Habib Gherari
Professeur à Aix Marseille Université
M. Hugues Périnet-Marquet
Professeur à l’Université Paris 2-Panthéon-Assas
M. David Deroussin
Professeur à l’Université de Lyon 3
Avec le soutien de
Mme Sandrine Clavel, Présidente de la Conférence des doyens de droit et science politique.
M. Jean-Louis Harouel, Président du CNU 03- Histoire du droit.
M. Philippe Neau-Leduc, Président du CNU 01- Droit privé.
M. Fréderic Sudre, Président du CNU 02- Droit public".
Lettre de démission adressée à M. Houssin, Président du Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, Paris 23 janvier 2015, par A. Cammilleri, Fl. Garnier et C. Nourissat
"Paris, le 23 janvier 2015
Nous faisons suite à l 'entretien de ce jour [23 janvier 2015] dont nous vous remercions. Il apparait, à l'issue de celui-ci, qu'une divergence fondamentale persiste quant aux conditions dans lesquelles la mission qui nous a été confiée se doit d'être menée.
Cette situation nous conduit à vous demander de bien vouloir accepter, à effet de ce jour, notre démission des fonctions de délégué scientifique pour les disciplines juridiques. Cette décision irrévocable dont nous mesurons la gravité, en particulier au regard des unités de recherche qui restent à évaluer dans le cadre de la vague actuelle, est la seule réponse appropriée à une situation elle-même très grave.
Depuis la naissance de l'AERES, les délégués scientifiques des disciplines juridiques ont marqué leur attachement indéfectible aux grands principes qui doivent gouverner l'évaluation des équipes d'accueil et des équipes mixtes de recherche. Nous nous sommes, pour notre part, résolument inscrits dans cette ligne. L'entretien de ce jour vous conduit à considérer que nous nous serions écartés - à tort, selon le terme utilisé lors de l'entretien - de la lettre et de l'esprit des textes du HCERES qui gouvernent les évaluations des unités de recherches. En conséquence, vous nous demandez, en cours de vague et au mépris du principe d'égalité de traitement des unités, de changer les procédures telles qu'elles ont été appliquées sans susciter la moindre observation de quiconque depuis 2007.
Faire droit à cette demande, suite à une difficulté rencontrée dans le cadre de l'évaluation d'une unité mixte de recherche et aux injonctions dont vous avez été le destinataire de la part des tutelles (Universités et CNRS) de cette unité, nous semble tout simplement une remise en cause majeure de l'indépendance qui est l'essence même du HCERES, Autorité Administrative Indépendante de par la loi, faut-il le souligner.
Les juristes «bornés», à tout le moins «trop rigoureux» - selon les termes là encore utilisés lors de cet entretien par certains des participants -, croient fondamentalement, au-delà du sens commun des mots, aux institutions et aux procédures qui les gouvernent.
Nous ne pouvons, par notre présence au sein de la section 2 du HCERES, entériner des pratiques qui viennent frontalement heurter les principes sans lesquels il ne peut y avoir d'évaluation par les pairs et dont vous savez, par la lettre ouverte qui vous a été adressée il y a une semaine par l'ensemble des délégués scientifiques ainsi que des présidents des sections CNU des disciplines juridiques, combien notre communauté y est attachée.
La crédibilité même des évaluations des unités de recherche en est durablement affectée.
Nous espérons que le groupe de travail avec les disciplines juridiques, que vous vous êtes engagé à créer lors de l'entretien, sera l'occasion de restaurer durablement les principes de transparence, d'indépendance et d'impartialité aujourd'hui mis à mal.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président et Cher Collègue, en l'expression de toute notre considération et à notre attachement indéfectible à une évaluation indépendante par les pairs.
[à] Monsieur Didier HOUSSIN
Président en exercice du HCERES
20, rue VIVIENNE, 75002 PARIS
[de] Anne CAMMILLERI
Florent GARNIER
Cyril NOURISSAT"
"Lettre ouverte à l’attention de M. HOUSSIN
Président du Haut Conseil de l'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur
Les principes d’impartialité, d’indépendance et de libre expression des enseignants-chercheurs et chercheurs des unités de recherche sont les conditions indispensables au bon déroulement des évaluations menées, hier par l’AERES et aujourd’hui par le HCERES. Si les “tutelles” (Université, organismes de recherche) doivent pouvoir rencontrer les comités de visite et échanger avec eux, il est absolument essentiel que le comité de visite puisse rencontrer, hors la présence desdites tutelles, les responsables et les membres des unités de recherche évaluées.
Toute violation de ces principes porte atteinte à l’esprit et aux règles d’une évaluation, par les pairs, indépendante impartiale donc incontestable. Les délégués scientifiques du domaine “droit” qui ont animé le processus d’évaluation depuis la création de l’AERES jusqu’à aujourd’hui ainsi que les présidents des sections 01, 02 et 03 du CNU, tiennent à réaffirmer l’importance qu’il convient d’apporter au respect de ces principes.
Dans ce conteste, le décret n°2014-1365 du 14 novembre 2014 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, confirme que Haut conseil est doté du statut d’autorité administrative indépendante comme l’était précédemment l’AERES. Il appartiendra d’ailleurs au Haut Conseil lorsque son président et son Conseil seront désignés de définir «les règles de déontologie applicables aux membres, experts et agents du HCERES, afin de garantir leur indépendance et leur impartialité». Il reviendra au Haut Conseil la compétence de valider «les procédures d'évaluation menées ou validées par le Haut Conseil en prenant en compte la diversité de nature et de mission des structures et des formations évaluées ainsi que la diversité des champs disciplinaires» (art. 1 du décret). Il appartient, depuis la création de l’AERES, au Président de «veiller à l'impartialité, à la fiabilité et à la transparence des évaluations» (art. 8 du décret). Il signe les décisions relatives à la validation des procédures d'évaluation et atteste de leur conformité aux règles de déontologie et aux règles de validation adoptées par le Conseil.
Signatures:
- Les délégués scientifiques qui ont assuré la coordination du droit:
M. Rostane Mehdi
Coordinateur (2009-2011)
Professeur à Aix-Marseille Université
et au Collège d'Europe de Bruges,
Directeur de l'UMR 7318
"Droit international, comparé et européen" (DICE),
Chaire Jean Monnet
Pr. Xavier Vandendriessche
Coordinateur (2011-2012)
Professeur à l’Université de Lille 2, Président de l'Université Lille 2
Mme Christine Neau-Leduc
Coordinateur (2012-2014)
Professeur à l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne
Mme Anne Cammilleri,
Coordinateur: (2014-2015)
Professeur, Sciences Po Rennes
- Les délégués scientifiques ayant participé à l’évaluation des unités de recherche depuis la création de l’AERES:
(NB: il manque trois anciens délégués scientifiques dont les unités de recherche relèvent de l’évaluation de la vague actuelle A, pour des raisons déontologiques évidentes leurs noms n’apparaissent pas dans cette liste de signataires).
M. Cyril Nourissat
Professeur à l’Université de Lyon 3
Ancien recteur d’académie
M. Florent Garnier
Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole
Doyen honoraire de l'Ecole de droit de l'Université d'Auvergne
Mme Hélène Pauliat
Professeur à l’Université de Limoges
M. François Saint-Bonnet
Professeur à l’Université Paris 2-Panthéon-Assas
M. Habib Gherari
Professeur à Aix Marseille Université
M. Hugues Périnet-Marquet
Professeur à l’Université Paris 2-Panthéon Assas
Avec le soutien des Présidents des CNU
M. Jean-Louis Haroüel
Président du CNU 03
M. Philippe Neau-Leduc
Président du CNU 01
M. Fréderic Sudre
Président du CNU 02"