Information transmise par Fr. Lormant:
Olivier Cachard, François-Xavier Licari, François Lormant (dir.)
La pensée de François Gény
Paris, Dalloz-Sirey (Thèmes & Commentaires. Actes), janv. 2013, 254 p., ISBN:978-2-247-12069-7 / EAN:9782247120697, 46€
Présentation
L’ouvrage «La pensée de François GÉNY» vient de paraître aux éditions Dalloz-Sirey. Il rassemble les contributions
des spécialistes français et étrangers de François GÉNY et de jeunes chercheurs
présentées lors du colloque sur la pensée de François GÉNY organisé les
20 et 21 octobre 2011 en Lorraine. Ce colloque se voulait à la fois une
commémoration et un acte de naissance: célébration du cent-cinquantenaire de
l’homme qui naquit le 17 décembre 1861 à Baccarat et s’éteignit le 16 décembre
1959 à Nancy, Il est aussi l’acte de naissance de l’Institut François GÉNY, où
le trait d’union entre les thèmes et projets réside précisément dans une
approche méthodologique du droit, qui transcende la division contemporaine du
droit en de multiples branches et rameaux.
Dans un première partie consacrée à François
GÉNY et la doctrine, les auteurs présentent les grands aspects de la
pensée de GÉNY, tant en France, en Europe (Allemagne)[1],
au Japon[2],
ou encore aux Etats-Unis (Louisiane)[3],
laissant derrière lui une oeuvre monumentale et moderne, au point que Philippe
Malaurie n’hésite pas à écrire qu’«Il est le juriste français le plus
connu à l’étranger»[4],
En effet, GÉNY marque l’histoire de la doctrine de son empreinte avec Méthode
d’interprétation des sources du droit privé[5],
puis Science et technique en droit privé positif[6],
réalisant en quelque sorte l’aboutissement de la libre recherche scientifique[7].
En rappelant les travaux des spécialistes des sciences, notamment du nancéien
Henri Poincaré (auteur notamment de La science et l’hypothèse, 1902; La
valeur de la science, 1905; Science et méthode, 1908), GÉNY se
place dans la lignée des philosophes des sciences, pour démontrer la réussite
naturelle et l’efficacité presque spontanée de la réflexion des professionnels
s’exerçant sur l’objet même de leurs investigations techniques. GÉNY se lance
alors, dans Science et technique, «dans une enquête, dirigée
directement vers le centre du grand mystère du droit, par les voies combinées
de la connaissance et de l’action»[8].
Ainsi, «pour appliquer directement nos vues à l’objet de notre étude, il nous
suffira, le plus souvent, de prendre le droit tel qu’il s’offre à nous dans les
faits, pénétrant, régissant, modelant les actions humaines, et reignant sur les
volontés, tantôt en la forme d’un précepte rigide, tantôt sous le couvert d’une
pratique plus ou moins consciente, pour découvrir, dans sa structure et son
fonctionnement même, le secret de sa vie»[9],
méthode parfois utilisée aujourd’hui encore[10].
La
seconde partie est plus pratique, puisqu’elle évoque François GÉNY et le droit matériel. Les cîmes sur lesquelles GÉNY
conduit le lecteur ne doivent en effet pas faire oublier qu’il s’est penché sur
la racine concrète des problèmes, en étudiant et annotant de nombreux arrêts.
Outre les aspects propres au droit civil (responsabilité civile[11],
droit d’auteur[12]),
GÉNY apparaît comme également comme un arrêtite en droit administratif[13]
en droit de la propriété intellectuelle[14],
ou en droit privé général[15].
Enfin, et c’est particulièrement sur
ce point que l’ouvrage innove, François GÉNY a aussi une influence en Droit
rural et forestier. Ainsi, loin des enceintes savantes de nos facultés de
droit, il a mis en oeuvre sa propre méthode au service de la gestion du
patrimoine forestier familial. En effet, François GÉNY est originaire d’une
famille lorraine propriétaire de parcelles forestières. Or, par l’application
du droit des successions, le domaine forestier familial aurait eu vocation à
être divisé en autant d’enfants nés à chaque génération. Ce morcellement aurait
été d’autant plus notable que la famille GÉNY est une grande famille, avec
plusieurs cohéritiers à chaque génération. Par conséquent, l’intérêt de
François GÉNY pour le droit forestier était essentiellement d’ordre personnel
et familial, ce qui explique pourquoi ses travaux en la matière sont demeurés
plus confidentiels. Pourtant, GÉNY eut l’idée d’appliquer le droit de
groupements de personnes, spécialement du droit des sociétés, afin de gérer le
domaine forestier familial, situé notamment dans l’Argonne. Il est ainsi
l’instigateur du «Goupement forestier GÉNY GIE», afin d’éviter le
morcellement de la forêt familiale en application des règles du droit
patrimonial de la famille, et notamment du droit des successions. GÉNY a donc
l’idée d’appliquer le droit de groupements de personnes, spécialement du droit
des sociétés, afin de gérer le domaine forestier familial, situé notamment dans
l’Argonne[16].
Cette préoccupation le conduit encore
à étudier les questions de droit forestier, avec la même attention que d’autres
branches du droit. Il ne pouvait en être autrement, puisque notre ancien duché
est particulièrement boisé et nécessite de fréquentes interventions pour la
mise en oeuvre et/ou le respect des droits forestiers et ruraux. Au travers de
l’étude de quelques cas particuliers intéressants des questions de droit rural
et de droit forestier[17], nous
voyons que l’éminent juriste utilise ici encore la libre recherche scientifique
et son expérience de la pratique forestière, pour affiner sa réflexion et
imposer au droit une méthode de lecture souple des faits, lui permettant de s’appliquer
au mieux aux cas en l’espèce.
François
LORMANT,
Institut François Gény, Université de Lorraine
Sommaire
La doctrine- La vie de François Gény: la doctrine et son époque
- Le doyen François Gény et la Faculté de droit de Nancy
- Les lectures de François Gény: la doctrine française et l'Ecole des Pandectes
- La conception du droit par Gény arrêtiste
- François Gény et le droit rural et forestier
- François Gény: juriste et propriétaire forestier
[1]
Christian BALDUS, « Les lectures de françois GÉNY : la doctrine française et
l’Ecole des Panedectes », pp. 37-48.
[2]
Nasamichi NOZAWA, « L’influence de François GÉNY sur le droit civil au Japon »,
pp. 83-90.
[3]
Olivier MOREATEAU, « La traduction de l’oeuvre de françois GÉNY : méthode de
traduction et sources doctrinales », pp. 69-82 ; François-Xavier LICARI, «
François GÉNY en Louisiane », pp. 91-110.
[4]
François TERRE, « Rencontre avec François GÉNY », pp. 1-6.
[5]
François GÉNY, Méthode d’interprétation en droit privé positif : essai
critique. Paris, éditions LGDJ, 1899, 606 pages.
[6]
François GÉNY, Science et technique en droit privé positif : nouvelle
contribution à la critique de la méthode juridique. Tome 1 : Introduction
-Position actuelle du problème du droit positif et éléments de sa solution.
Paris, éditions Recueil Sirey, Paris, 1914, 212 pages.
[7]
Olivier CACHARD, « La libre recherche scientifique à son paroxysme : la
jursprudence arbitrale », pp. 57-68.
[8]
François GÉNY, Science et technique .... Tome 1 : Introduction...,
Op. cit., page 11.
[9]
Idem, page 16.
[10]
Pierre-Yves GAUTIER, «
L’actualité méthodologique de Science et technique », pp. 49-56.
[11]
Nathalie PIERRE, «
François GÉNY et la responsabilité civile : le droit-science et le sens de
l’histoire », pp. 153-172.
[12]
Patrick TAFFOREAU, « L’art
culinaire et le droit d’auteur », pp. 191-200.
[13]
Laurent SEUROT, « François
GÉNY et le droit administratif. Le droit administratif vu par un civiliste au
début du XXe siècle », pp. 201-214.
[14]
Jean-Luc PIOTRAUT, «
François GÉNY, arrêtiste en droit de la propriété intellectuelle », pp.
173-190.
[15]
Matthias MARTIN, « La
conception du droit par GÉNY arrêtiste », pp. 113-124 ; Estelle VAGOST, «
François GÉNY et l’adaptation du droit aux périodes de crise », pp. 215-226.
[16]
Christine LEBEL, «
François GÉNY : juriste et propriétaire forestier », pp. 139-152.
[17]
François GÉNY : « La
responsabilité à raison des dégâts faits par le gibier » ; « L’expertise
forestière en matière fiscale » ; « La détermination de la valeur des biens
forestiers à l’époque de la transmission pour l’application des droits
d’enregistrement » ; « La culture des champignons au point de vue de l’impôt
sur le revenu », ... cf, François LORMANT, « François GÉNY et le Droit rural et
forestier », pp. 125-138.