Centre aquitain d'Histoire du Droit, Université de Bordeaux
Centre d’Histoire Judiciaire, Université Lille 2
Institut d'Histoire du Droit, Université Paris 2-Panthéon-Assas
Histoire de l'Economie sans Travail
Finances, Investissement, Spéculation de l'Antiquité à nos Jours
Cycle de colloques, décembre 2015 - juin 2017
Comité scientifique
- Luisa Brunori, Centre d’Histoire Judiciaire-Université Lille 2
- Serge Dauchy, Centre d’Histoire Judiciaire-Université Lille 2
- Olivier Descamps, Université Panthéon-Assas
- Xavier Prévost, Université de Bordeaux
1. - Les sources intellectuelles - Université Paris 2, 2 décembre 2015
2 – Les acteurs - Université de Bordeaux, 1 avril 2016
3 – Les résolutions des controverses - Université de Lille 2, 18 novembre 2016
4 – L’approche internationale - Villa Finaly, Florence (Italie), 7-8-9 juin 2017
2 – Les acteurs - Université de Bordeaux, 1 avril 2016
3 – Les résolutions des controverses - Université de Lille 2, 18 novembre 2016
4 – L’approche internationale - Villa Finaly, Florence (Italie), 7-8-9 juin 2017
I -
Argumentaire général
La
difficile conjoncture des premières années du troisième millénaire semble
demander un regard de grande ampleur sur les dynamiques qui ont conduit à des
phénomènes - la crise de 2008, la crise des subprimes
ou les bulles spéculatives – qui restent encore largement à décrypter.
Au-delà
des approches dictées par l’urgence, les aspects constitutifs des systèmes
économico-juridiques contemporains, de moins en moins référés au travail humain
et de plus en plus orientés vers la rémunération d’activités spéculatives,
demandent désormais de faire l’objet d’une réflexion approfondie vouée à
recentrer les questions et les enjeux.
L’« économie
sans travail », à savoir la masse d’opérations financières rémunératrices
ni du travail humain ni d’un échange de biens, a aujourd’hui un impact
extraordinaire sur l’agencement socio-économique contemporain. Elle peut aller
jusqu’à le mettre en danger tout en questionnant de nombreux principes
fondateurs de la justice substantielle ou « distributive » qu’on considère
à la base de nos systèmes institutionnels.
Les outils
juridiques de cette « économie sans travail » sont effectivement voués à la
rémunération d’un quid ontologiquement
très différent des prestations qui font l’objet des relations synallagmatiques
classiques (le travail, l’échange de biens). Il s’agit, selon les cas, de
rémunérer la capacité de prévision (dans les contrats, par exemple, de futures, de warrants, d’option), le transfert du risque (dans les dérivés de
crédit, les assurances), ou la mise à disposition du capital (participations de
capital en sociétés, marché actionnaire, etc.).
Cela
conduit nécessairement à s’interroger sur la justification de cette
rémunération ; justification à laquelle on ne peut pas renoncer, non seulement
dans les relations entre les particuliers mais dans tous les aspects du droit
de l’économie.
Le regard
historique paraît nécessaire pour la compréhension de ces phénomènes, d’autant
plus que ces questionnements se posent de longue date aux acteurs
institutionnels. Mais la réflexion historique ne peut être
qu’interdisciplinaire, compte tenu des superpositions réciproques et complexes
de problématiques juridiques, économiques et philosophiques impliquées dans ce
thème.
Ainsi, on
observe qu’à partir de la distinction aristotélicienne entre
« économie » et « chrématistique », le souci d’assurer la
justice commutative à l’intérieur de la communauté a toujours imposé une
réflexion sur la valeur de l’argent et sur son rôle dans les échanges entre les
personnes. L’idée de la stérilité de l’argent, ultérieurement développée par la
pensée thomiste, a provoqué depuis l’Antiquité et tout au long du Moyen Âge,
une méfiance, voire une défiance, envers la rémunération des capitaux
monétaires non accompagnée par le travail humain.
La
conception de la valeur de l’argent est donc la base des théories condamnant ou
justifiant la rémunération des opérations spéculatives. Cette conception change
complètement à partir du XVIème siècle avec l’abandon progressif de
l’idée de la stérilité de l’argent. L’argent devient un facteur productif de
richesse lorsqu’il est injecté dans le circuit économique, représentant donc
une valeur comme bien. En conséquence, dans un système de droit des contrats
qui se veut cohérent, la mise à disposition de l’argent ou la soumission au
risque de son capital, doivent non seulement être encouragées pour le bien-être
de toute la communauté, mais doivent également être rémunérées même si elles ne
sont pas accompagnées d’un travail personnel.
Cependant,
ce changement radical de conception n’a jamais fait perdre de vue la nécessité
d’un encadrement de ces activités spéculatives. Le danger d’une dégénérescence
de ces opérations économiques qui, de productives de richesse peuvent devenir
destructives, s’est fait jour bien avant les crises du début des années 2000.
Si l’encadrement était à l’origine (XVIème siècle)
d’ordre moral, progressivement la science juridique, économique et
philosophique a dégagé des outils techniques voués à empêcher les effets
pervers d’une utilisation déréglée de l’« économie sans travail ».
Les
aspects normatifs des échanges spéculatifs sont donc devenus l’objet d’une
analyse scientifique de la part des juristes, des économistes mais également
des philosophes. Le respect de la justice contractuelle et de l’équilibre des
prestations économiques même dans un contexte de plus en plus
« capitaliste » est un des soucis majeurs des sciences sociales
depuis le XVIIIème siècle.
Il reste encore aujourd’hui un des enjeux majeurs des sociétés contemporaines.
II –
Objets de l’enquête
La
recherche s’articule autour de quatre volets thématiques :
1) Les sources intellectuelles (Paris, 2
décembre 2015)
Les grands
courants de la culture juridique, économique et philosophique concernant la
nature et la valeur des opérations spéculatives seront ici abordés.
A) C’est
le monde gréco-latin qui perçoit en premier le problème de la justice
commutative qui doit guider tous les échanges à l’intérieur de la communauté.
Dans ce contexte, naît la distinction entre l’activité dont la finalité est de
répondre aux besoins humains, nommée « activité économique », et celle ayant
pour but l’accumulation d’argent, dénommée « chrématistique ». Seule
la première correspond à l’idée de commutatio
et est donc légitime et juste.
Au Moyen
Âge également la doctrine économique et juridique s’inscrit principalement dans
la thématique de la justice commutative, critère général qui doit déterminer le
droit des particuliers. Le droit médiéval et canonique se fondent sur le
postulat aristotélicien-thomiste que pecunia
non parit pecuniam : ce qui en résulte est la négation du profit et de
l’intérêt en cas de financement exclusivement monétaire d’une opération
économique qui ne peut que donner lieu à des opérations usuraires. C’est donc
la conception de la valeur de l’argent qui est en cause, et cela encore plus à
la fin du Moyen Âge quand la monnaie recommence à circuler et les premières
banques voient la lumière.
B) Les
grandes découvertes conduisent à une véritable révolution économique qui remet
en cause tout l’équilibre classique des relations synallagmatiques.
L’« économie sans travail » éclate, les opérations purement
spéculatives (assurances, change, commissions, participation exclusivement
monétaire à une société commerciale…) se multiplient.
La
conception de la valeur de l’argent change complètement, le capital devient
facteur productif de richesse qui doit être rémunéré. En conséquence, toute la
théorie des contrats doit être revue, notamment en ce qui concerne la
rémunération du capital et du risque. Dans ce contexte, la théologie et
l’éthique sont également appelées à s’adapter, mais aussi à encadrer ce nouvel
esprit du capitalisme naissant.
Mais c’est
surtout le XIXe siècle qui devra se mesurer à la maturité du
capitalisme, ce qui se traduit dans le milieu juridique par la reconnaissance
du capital emportant des effets juridiques, par la prise de risque comme
véritable prestation devant être rémunérée et par l’intervention des pouvoirs
publics dans l’encadrement des activités spéculatives. Le relais passe donc aux
juristes positivistes appelés aujourd’hui à replacer l’« économie sans
travail » - grâce aux outils du droit de l’économie et du droit fiscal -
dans un cadre de justice substantielle. C’est aussi le cas des économistes qui
explorent ce domaine au prisme des thèses de l’économie du droit.
2 – Les acteurs,
Université de Bordeaux, 1 avril 2016
3 – Les résolutions des controverses, Université de Lille 2, 18 novembre 2016
4 – L’approche internationale, Villa Finaly, Florence (Italie), 7-8-9 juin 2017
3 – Les résolutions des controverses, Université de Lille 2, 18 novembre 2016
4 – L’approche internationale, Villa Finaly, Florence (Italie), 7-8-9 juin 2017