Chercher in Nomôdos

19 janv. 2011

IHTP Séminaire de recherche "Les administrations coloniales", Séance à 3 voix: "Rôles et pratiques des administrations militaires ", Paris 20 janv 2011

Institut d'Histoire du Temps présent
 
Séminaire de recherche Les administrations coloniales 
Programme de la séance à trois voix du 20 janvier 2011
 
Rôles et pratiques des administrations militaires

Paris
20 janvier 2011
 
Lieu
Institut d'Histoire du Temps présent, 59/61 rue Pouchet, 75849 Paris cedex 17, Salle 221 - 14h30-17h30
Programme
  • Férid LEKEAL, Université de Lille 2 - Centre d’histoire judiciaire (CNRS - Lille2), Les acteurs de l’arbitrage entre juridictions consulaires et conseils de guerre: un moment dans la pacification judiciaire dans la Régence de Tunis (1881-1882)
  • Amaury LORIN (Université catholique de Lille - Centre d’histoire de sciences po.), Démilitariser les pratiques de l’administration coloniale? Autorités civile et militaire sous le mandat de Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902)
  • Rémy PORTE (Centre de doctrine d’emploi des forces - Ecole Militaire), (Re) Construire une administration en période de guerre internationale et civile: le cas du colonel BREMOND, 'gouverneur d'Arménie occidentale' (Cilicie, 1919-1921)
 
Présentations/résumés 
(infra)
Farid Lekéal 
(Université de Lille 2/CHJ)
Les acteurs de l’arbitrage entre juridictions consulaires et conseils de guerre: un moment dans la pacification judiciaire dans la Régence de Tunis (1881-1882)
 
Les acteurs de l’arbitrage entre juridictions consulaires et conseils de guerre: un moment dans la pacification judiciaire dans la Régence de Tunis 1881-1882 Entre la conclusion du traité du Bardo du 12 mai 1881 qui aliène une partie de la souveraineté beylicale et la fin de l’année 1882, les autorités françaises peinent à justifier, aux yeux de la communauté européenne de Tunis, la compétence des conseils de guerre français à l’égard des ressortissants étrangers. Or, pendant plusieurs mois, de multiples incidents — d’intensité violente variable — mettent aux prises ressortissants européens établis à Tunis et soldats français.
Tout au long de cette période, l’existence de juridictions consulaires héritées des capitulations constitue, pour la France, un obstacle à une répression énergique des agressions commises contre le contingent militaire français : les juridictions consulaires font en effet le plus souvent montre d’indulgence à l’égard de leurs nationaux qui soit, échappent à toute répression, soit font l’objet d’une condamnation purement symbolique. 
Du point de vue français, la situation apparaît alors momentanément figée dans la mesure où les puissances européennes n’ont pas encore renoncé au bénéfice de leurs juridictions consulaires et qu’en conséquence, la France ne peut mettre en place ses propres juridictions civiles. 
Seules les juridictions militaires françaises installées en Tunisie dans le sillage de la conquête militaire permettent d’escompter une répression sévère des agressions commises à l’encontre des soldats français. Pourtant, les autorités françaises hésitent à déférer les ressortissants européens devant les conseils de guerre : une telle initiative pose à la fois des questions de droit, qui sont loin d’être totalement résolues, mais aussi de pure opportunité politique.
En septembre 1882, l’affaire Meschino — du nom d’un barbier sicilien déféré devant la juridiction militaire pour avoir agressé publiquement un soldat français — apporte une réponse politique à ces questions. Le président de la République accorde la grâce à ce ressortissant italien condamné par un conseil de guerre français. Cette décision conforte les partisans de la juridiction militaire dans leurs convictions et donne, dans le même temps, satisfaction au gouvernement italien.
Dès lors, la situation évolue sensiblement et la consécration de la compétence des conseils de guerre, en la circonstance, fait évoluer l’attitude de la communauté italienne comme celle des autres ressortissants des puissances européennes résidant en Tunisie. 
Le débat sur ces questions de fond soulevées par cette affaire tout comme celles qui la précèdent de quelques mois, continue néanmoins de retenir l’attention des juristes bien des années après leur conclusion politique.

Amaury Lorin 
(Université catholique de Lille- Centre d’histoire de sciences po.)
  «Démilitariser les pratiques de l’administration coloniale? Autorités civile et militaire sous le mandat de Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902)»
Surnommé le « Colbert de l’Indochine », Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902), se heurte de plein fouet, dix ans après l’institution d’une Union indochinoise (1887) qu’il réalise dans les faits, à une vive opposition du pouvoir militaire, hérité de la conquête, à ses projets d’organisation administrative. Son quinquennat à la tête de l’Indochine est ainsi émaillé de tensions constantes avec le pouvoir militaire, documentées dans les riches fonds des ministères des Colonies et de la Guerre et du gouvernement général de l’Indochine (Archives nationales d’outre-mer, Aix-en-Provence ; Centre historique des archives nationales n° 1, Hanoi ; Service historique de la Défense, Vincennes), l’armée supportant mal d’être dépendante de l’autorité civile. Alors qu’arbitraire et concussion, facilités par l’éloignement de métropole, caractérisent les pratiques des administrations militaires, particulièrement en Cochinchine, le jeune gouverneur général va rencontrer de vives résistances dans sa tentative de mise au pas de l’armée en situation coloniale.

 Remy PORTE
(CDEF- Ecole Militaire)
(Re) Construire une administration en période de guerre internationale et civile : le cas du colonel BREMOND, 'gouverneur d'Arménie occidentale' (Cilicie, 1919-1921)
A la fin de l'automne 1918, en dépit de la faiblesse de ses moyens humains et matériels et dans le cadre plus large de l'opposition franco-britannique sur le partage des dépouilles de l'empire ottoman vaincu, la France tente de s'installer en Cilicie, riche province agricole entre le Taurus et l'Amanus. Nommé administrateur en chef de la région, le colonel BREMOND ne dispose que de quelques rares officiers et doit théoriquement s'appuyer sur les structures traditionnelles ottomanes survivantes, alors qu'il n'exerce pas le commandement des unités françaises déployées dans la région (elles-mêmes insuffisantes) et que le guérilla kémaliste se développe.
Tirant parti de son expérience au Maroc, il tente à la fois de jouer des rivalités entre les différentes communautés ethniques et religieuses et de favoriser la renaissance du commerce et de l'artisanat. En opposition croissante avec le général GOURAUD et Robert de CAIX nommés à Beyrouth, il lui faut aussi prendre en compte l'arrivée de milliers de réfugiés arméniens que les autorités françaises, à Paris comme au Levant, finissent par considérer comme un handicap au rapprochement avec les Turcs. Bien que blanchi après enquête parlementaire, il est finalement relevé de ses fonctions, puni au plan réglementaire et retardé dans son avancement alors qu'il s'efforce de conserver la Cilicie au Levant français.
Cet exemple soulève de nombreuses questions, parmi lesquelles celles des rapports entre administrateurs civils et militaires (et au-delà entre ministères de la Guerre et des Affaires étrangères), des moyens attribués à une politique officiellement affichée, des revirements stratégiques hexagonaux, de la possibilité de venir à bout d'une guérilla soutenue par un Etat voisin.