Jean-François Kervégan
Que faire de Carl Schmitt?
Paris, Gallimard/NRF (Tel), oct. 2011, ISBN:978-2-07-013541-7, 11€
4e de couv.
4e de couv.
L’affaire est entendue, et Karl Jaspers l’a résumée: Carl Schmitt fait partie avec Heidegger de «ces professeurs [...] qui ont tenté de prendre intellectuellement la tête du mouvement national-socialiste». Depuis lors, nonobstant, des contradicteurs distingués – Strauss, Löwith, Peterson, Kojève, Blumenberg, Habermas, Derrida... – ont discuté âprement ses thèses, souvent pour les rejeter, comme il en va avec tous les classiques intéressants, de Platon à Wittgenstein.
Aussi l’heure est-elle venue de «partir de Carl Schmitt», au double sens de reformuler des questions essentielles à partir de certains de ses travaux et de lui donner congé lorsqu’il ne nous aide plus à penser. Certains de ses concepts (le nomos de la terre, la constitution comme décision «existentielle»...) ou des concepts sur lesquels il a apposé son empreinte (le pouvoir constituant, l’État de droit «bourgeois») éclairent différemment des questions telles que le rapport entre décision et rationalité; l’enracinement des normes juridiques dans les institutions; le statut de l’ordre constitutionnel et ses présuppositions; les effets pervers du retour de la morale en politique internationale (droits de l’homme et démocratie forment- ils le couple uni que l’opinion dominante nous décrit ?).
Mais cette fécondité se heurte à une limite fondamentale : Schmitt est plus efficace pour penser des ruptures et des instaurations que pour décrire le fonctionnement normal de l’ordre juridique établi. À jamais, il demeure un penseur du dissentiment.
Auteur
Jean-François Kervégan est professeur de philosophie à l’université Paris I-Sorbonne.