Université Paris Nord-Paris 13 - UFR Droit, Sciences Sociales
PRES Sorbonne Paris Cité
Campus Condorcet
Séminaire 2012-2013
Crises et mutations des Droits sociaux
(XVIIIe-XXIe siècles)
(XVIIIe-XXIe siècles)
Villetaneuse
- Gw. Perrier (CERAL)
- B. Hagège (CERAL)
- Y.-A. Durelle-Marc (CERAL - ANR RevLoi)
Si la question des droits sociaux constitue un enjeu politique, social
et juridique ancien et dont les acteurs publics se sont saisis dès avant les
révolutions des XVIIIe et XIXe siècles, elle reste d'une
grande actualité à plusieurs égards. D’une part, en effet, les droits sociaux,
dont certains ont valeur constitutionnelle, relèvent d’enjeux forts et
diversifiés dans la vie des citoyen-ne-s
ordinaires : droits liés au travail ou attachés à la protection
sanitaire et sociale, droits à l’instruction et à l’éducation, droits relatifs
au logement, droits des femmes…, en constituent autant de facettes, dont
chacun-e expérimente les implications quotidiennes. D’autre part, certains de
ces droits font la Une de l'agenda
politique ces dernières années, à l'instar des « droits et devoirs »
des chômeurs, âprement discutés dans le cadre de la réforme des politiques de
l’emploi des États-providence français et européens. Les droits des salarié-e-s font également l’objet
d’importantes mobilisations sociales, médiatisées lorsque sont prises par des
dirigeant-e-s d'entreprises des décisions de délocaliser leur activité ou d’y
mettre fin. Leur périmètre, leur portée et leur effectivité constituent encore
– plus que jamais – un point de clivage politique et idéologique important.
Fondés, du moins depuis les déclarations de 1789 et 1793 (puis de
1946) en France, sur un principe de justice distributive ancré dans le Droit
naturel moderne, les droits sociaux se traduisent essentiellement, au cours de
la période contemporaine, en créances individuelles et collectives constituées
sur la Société et sur l’État ; ils expriment de manière indirecte une idée
de l’« Homme et du Citoyen », de même qu’une conception de la
fonction des institutions politiques et sociales et de leur rapport à
l’individu (en lui-même ou en tant que membre du corps social). Si les droits
sociaux trouvent leur origine dans la solidarité inhérente à toute communauté,
leur institution contemporaine, les évolutions qu’ils subissent – construction
et déconstruction – et les difficultés qu’ils soulèvent aujourd’hui réactivent
les questions anthropologiques autant que sociales dont ils sont vecteurs,
obligeant les différents acteurs à réexaminer leurs positions et leurs mode
d’intervention. Ainsi, par rapport à la première moitié du XXe
siècle, au cours duquel des jalons essentiels en matière de droits sociaux ont
été posés, plusieurs évolutions, relatives notamment aux acteurs mobilisés
autour de ces droits, ainsi qu’à leur périmètre et à leurs principes, sont
notables. L’État et les personnes publiques, dans le contexte des démocraties
libérales nationales, semblent atteindre un seuil d’impuissance économique et
juridique, face à la pression des réalités et de règles supra nationales. Les acteurs syndicaux, traditionnellement actifs
dans la promotion des droits des salarié-e-s, connaissent des baisses
d’effectifs et des débats identitaires forts dans plusieurs pays européens.
Parallèlement, de nombreuses entreprises, qui ne relèvent ni du saint-simonisme
ni d’une quelconque Icarie, paraissent désormais soucieuses de mettre en avant
leur « responsabilité sociale », en s’intéressant à des droits
sociaux plus larges que ceux de leurs seuls salarié-e-s. De plus en plus
d’entreprises prennent également des initiatives en matière de conciliation
entre vie familiale et vie professionnelle, qui tendent à élargir le périmètre
des droits de leurs salarié-e-s. Par ailleurs, la crise de la société
salariale, analysée par Robert Castel, a amené différents acteurs associatifs
et politiques à s’atteler au problème de l’absence de droits sociaux pour les
« désaffilié-e-s ».
Face à ces différents défis, les pouvoirs publics, nationaux,
infranationaux et supranationaux, se (re)positionnent constamment ; leurs
initiatives, à l’instar de la « Sozialpolitik »
bismarckienne, mêlent préoccupations économiques, sociales… et politiques.
L’Union européenne, par exemple, qui a longtemps cantonné moult sujets relevant
des affaires sociales au domaine d’intervention propre de ses États-membres,
s’intéresse dorénavant aux questions de « conciliation » entre vie
familiale et vie professionnelle : depuis que la relative faiblesse des
taux d’emploi des femmes a été identifiée comme un frein à la croissance
économique, les autorités communautaires s’efforcent de promouvoir les droits
parentaux – et notamment ceux
des mères – ainsi que les droits des jeunes enfants à une garde
extra-familiale, pour favoriser les chances d’insertion professionnelle des femmes sur le marché du travail. L’adoption du droit au logement opposable (DALO) en France rappelle quant à elle
l’importance symbolique de réformes politiques dont la portée pratique peut
pourtant se révéler limitée.
Le champ des droits sociaux connaît donc aux commencements du XXIe
siècle, une krisis profonde, laquelle
remet en cause leur définition ou acception et la situation de chacun des
acteurs (publics, privés, collectifs et individuels), alors que la Providence publique tend à être
considérée comme excessivement prodigue.
Ces aspects de la
question des droits sociaux formeront, au cours de cette année 2012-2013, les
objets du séminaire du CERAL. Inscrit dans une perspective pluridisciplinaire,
en accord avec l'identité du laboratoire, le séminaire propose d’aborder les
droits sociaux dans une perspective croisée, historique, politique, juridique
et sociologique et de prendre en considération les niveaux les différents niveaux d’action, du local à
l’international.
Programme
Séance n°1. – 21 novembre 2012 (14h-16h).
- R. Etien
(dirtecteur du CERAL), Introduction
au séminaire.
- P. Bonin
(prof. histoire du droit, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne), Une
histoire de la protection sociale peut-elle être autre chose qu'une
histoire de la sécurité sociale ?
Séance n°2. – mardi 11 décembre 2012 (10h-13h).
- Pierre Serna
(prof. Histoire, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, dir. de
l’Institut d’Histoire de la Révolution française, ANR RevLoi), La loi de Bienfaisance de 1793.
- Yann-Arzel Durelle-Marc (MCF histoire du droit, Université
Paris Nord-Paris 13, CERAL, ANR RevLoi),
Conquêtes
et consolidations des droits sociaux. 1789-1945.
Lieu
Salle H 101
Salle H 101
Université
Paris Nord-Paris 13, 99 avenue J.-B. Clément, 93430 Villetaneuse.
Le séminaire est ouvert à toutes les personnes intéressées.