Chercher in Nomôdos

8 sept. 2014

Univ. Paris Descartes, Fac. de Droit, IHD Appel à communications: colloq. internat. "Du comparatisme au droit comparé: Regard historique sur les acteurs, les objets et les enjeux", Malakoff, 6-7 mai 2015 (limite: 15 oct. 2014)

Information transmise par Gw. Guyon:
Université Paris Descartes (COMUE Sorbonne Paris Cité)
Faculté de Droit
Institut d'Histoire du Droit
Appel à communications
Colloque international

Du comparatisme au droit comparé:
Regard historique sur les acteurs, les objets et les enjeux

Malakoff
6-7 mai 2015
(limite: 15 octobre 2014)

DU COMPARATISME AU DROIT COMPARÉ. 
REGARD HISTORIQUE SUR LES ACTEURS, LES OBJETS ET LES ENJEUX 

Colloque international 
Faculté de Droit de l'Université Paris Descartes, Paris Sorbonne Cité 
6-7 mai 2015 

La comparaison fait intrinsèquement partie de la démarche du juriste, elle en est même un élément ontologique. L'opération même de qualification juridique consiste à confronter réalité factuelle et réalité juridique. Le commentaire d'arrêt est également un exercice de mise en rapport entre un texte et son application. La comparaison peut même être source de clivage philosophique, entre ceux qui prônent l'analyse du droit tel qu'il est et ceux qui souhaiteraient mettre face à face l'être et le devoir-être, si l'on admet l'existence de ce dernier. 

Toutefois, il faut constater que le comparatisme a acquis depuis le XVIIIe siècle une acception bien particulière dans la mesure où ce terme, qu'on pourrait préférer avec René David à celui de droit comparé(1), renvoie à la méthode consistant à l'étude simultanée des systèmes juridiques, et plus techniquement, à la confrontation de modèles institutionnels, doctrinaux ou de pratique. On s'accorde en outre à faire du Congrès international de droit comparé tenu à Paris du 31 juillet au 4 août 1900 l'acte fondateur de la discipline du droit comparé. Cet événement s'est accompagné de plusieurs phénomènes marquant une institutionnalisation de la discipline. Ce mouvement mérite que l'on s'y arrête en l'embrassant d'un regard historique qui se poserait sur les acteurs, les champs de prédilection et les enjeux. Dans un contexte de globalisation, cette démarche s'est déployée de manière croissante, même si d'aucuns déplorent encore qu'elle ne le soit pas suffisamment, notamment en France. Cet essor académique, institutionnel et pédagogique s'est accompagné d'un début de réflexion sur l'objet, la discipline, les enjeux, la méthode du droit comparé. Ce colloque souhaiterait s'inscrire dans cette perspective tout en privilégiant une dimension historique. 

Jeter un regard historique sur le comparatiste et la méthode comparative se justifie à bien des égards. Peut-être au premier chef parce que l'historien en général et l'historien du droit en particulier, est lui-même un comparatiste. Cette idée pourrait être source de réflexion et de débat : l'office de l'historien ne fait-il pas de lui naturellement un comparatiste ? En effet, si son travail ne s'inscrit certes pas toujours dans un « comparatisme horizontal » (confrontation et évaluation d’expériences nationales à un même moment), il l'est très souvent dans un « comparatisme vertical », marqueur d'une démarche diachronique. 

Indépendamment des nombreuses études de cas qu'il n'est pas possible de recenser ici, l'histoire du comparatisme a fait l'objet depuis quelques années de la réflexion de plusieurs auteurs, souvent au travers d'articles portant sur des institutions, des figures doctrinales ou certaines branches du droit(2). 

Il ne saurait évidemment être question de proposer ici une histoire générale du comparatisme. Un colloque ne suffirait à assécher l'océan de questions. Pour tenter de circonscrire les propos, sans pour autant les corseter, le fil rouge de la réflexion pourrait tourner autour de l'idée de la ou des spécificité(s) du comparatisme et de ses tenants. Les juristes qui se tournent vers le droit comparé ont-ils un profil particulier, peut-on en dresser des portraits-robots ? Existe-t-il par ailleurs des aires géographiques et des thématiques privilégiées et ces prédilections fluctuent-elles en fonction de la période historique ? Enfin, les comparatistes mettent-ils en avant une méthode particulière qui aurait alors contribué, entre autres éléments, à l'érection d'une véritable discipline ? 

Autant d'interrogations qui en réalité ont pour dénominateur commun la question de la finalité ; finalité notamment politique : le comparatiste est-il un avant-gardiste, un réformateur ou fait-il montre d'un certain conservatisme, nourri ou non par des tendances nationalistes ? Dans cette veine, certains ont d'ailleurs pu aller jusqu'à reconnaître au droit comparé une fonction subversive(3). 

Sans qu'un bornage chronologique ne soit imposé, trois axes principaux semblent se dégager : 

Axe 1.- Le profil des comparatistes 

Pourquoi comparer? Les raisons sont nombreuses: elles peuvent être d’ordre pédagogique, méthodologique ou politique. Cependant, d’un point de vue épistémologique, le comparatisme ne doit pas être circonscrit à ces éléments purement objectifs. Il semblerait en effet que la comparaison est aussi due à des raisons subjectives et individuelles, qui sont liées tant à la personnalité ou aux expériences diverses de celui qui compare qu’à son environnement. 

Ce premier axe doit ainsi permettre, à partir d’exemples et d’expériences multiples, de s’interroger sur les spécificités du profil des comparatistes français et étrangers. Il ne s’agit pas de présenter un cas particulier ou isolé. Les contributions qui s’inscriraient dans cet axe insisteront plutôt sur les tendances qui sont observées dans un État particulier ou à une période donnée (ex : les comparatistes français au XIXe siècle, les comparatistes qui contribuent à telle revue, ceux qui appartiennent à telle école, etc.) 

De là plusieurs pistes, qui sont autant d’interrogations: 

Le parcours des comparatistes est-il spécifique ? Les aspects prosopographique et biographique ont ici toute leur importance. Qui sont les comparatistes (juristes, philosophes, journalistes...) ? Où ont-ils été formés ? Quelle est leur filiation doctrinale ? Appartiennent-ils aux mêmes cercles, aux mêmes salons ? Le phénomène de recours à un modèle étranger est-il appréhendé de manière individuelle ou collective ? Et de façon plus générale, est-il possible de dresser un portrait-robot des comparatistes ? 

Les comparatistes entretiennent-ils des rapports spécifiques avec le modèle étranger auquel ils comparent le droit national ? Ont-ils séjourné dans l’État étranger dont ils importent un modèle ? En maîtrisent-ils la langue, la culture ou les traditions ? Dans ce cas, ne se contentent-ils pas d’agir comme des « acteurs de retour », qui, littéralement fascinés, s’empressent de comparer leur droit national au droit de l’État visité ? Pour prendre un exemple, faut-il nécessairement être francophile pour avoir recours au modèle juridique français ? 

La personnalité des comparatistes est-elle spécifique ? La psychologie et l’étude comportementale pourraient sans doute aider à comprendre le recours au comparatisme. La xénomanie, l’ambition personnelle ou un simple complexe (d’infériorité ou de supériorité), par exemple, peuvent ainsi entraîner une démarche comparative. Ils permettent tout au moins d’expliquer la réception ou le rejet d’un modèle étranger. 

Axe 2.- Physionomie thématique et géographique du comparatisme 

La question soulevée ici est triple. Lorsque les juristes et les publicistes entreprennent des comparaisons, y a-t-il des aires de comparaison privilégiées, des domaines de comparaison spécifiques ou, combinaison des deux, des aires de comparaison en fonction de branches du droit ou de techniques juridiques ? 

La « République des lettres » a contribué à faire de l’aire européenne, voire euro-atlantique, un espace autodéfini comme celui de la civilisation au sein de laquelle la comparaison pouvait être vue comme une confrontation de techniques juridiques à laquelle l’existence d’une culture commune donnait un sens. Il y a des pays dont les expériences et les institutions sont devenues des modèles, tandis que d’autres semblaient « en retard » et devaient trouver et choisir à l’étranger le moyen de leur modernisation. Au sein d'un même espace de civilisation, quels types de comparaison se sont établis entre des pays dont les uns étaient à tendance hégémoniques, tandis que d'autres se situaient ou étaient situés dans une situation d'infériorité ? Comment cela a-t-il fait naître des réseaux de circulation des hommes et des idées ? 

Quel type de comparaison pouvait-on faire entre l'aire euro-atlantique et le reste du monde qui était connu de façon plus ou moins précise. Ce « reste du monde » se comparait-il à l’aire européenne ou avait-il développé d'autres logiques de comparaison géographiques ? Le phénomène de la domination coloniale a-t-il conduit, en amenant une confrontation directe des cultures et du droit des colonisateurs avec ceux des colonisés, à des processus de comparaison ? Ont-il donné lieu à un type particulier de comparatisme, avec des moyens et des finalités propres ? La requalification du droit des colonisés par le colonisateur appliquant ses logiques peut-elle être qualifiée de comparaison ? Si non, cela pose alors la question des limites de la « comparabilité » entre aires culturelles différentes. 

Les auteurs construisent-ils un discours ou élaborent-ils des méthodes différents pour comparer les différentes branches du droit ? On pourra par exemple s’interroger sur la différence ou la concordance dans la réception et/ou la circulation en Europe ou ailleurs, des modèles constitutionnels issus de l’expérience révolutionnaire française et du modèle de codification napoléonien. 

Axe 3.- La méthode du comparatisme et la naissance d'une discipline 

Les contributions s'inscrivant dans ces axes contribueraient à définir un cadre épistémologique du comparatisme. Plusieurs questions peuvent être soulevées. 

En quoi consiste réellement le comparatisme, existe-t-il une méthode dynamique, réflexive, au coeur du comparatisme qui dépasserait le simple exposé descriptif ? Quels sont les matériaux de la comparaison ? Autrement dit, la législation est-elle le support privilégié ou la comparaison porte-t-elle également sur la jurisprudence et la doctrine ? Qui sont les tenants d'une vision ambitieuse et globalisante mais surtout quelle a été la destinée de leurs propositions ? La question de la spécificité du comparatisme peut aussi trouver à être étudiée à l'aune de celle du droit international : quelles sont les éventuelles pierres de touche et leurs différences irréductibles ? 

Il y aurait également à s'interroger sur l'association entre une perspective comparatiste et d'autres angles d'analyse, en particulier la méthode historique. Il n'est en effet pas anodin de constater que plusieurs maîtres d’oeuvre de l'essor du comparatisme au tournant du XXe siècle sont des historiens du droit. Quel est leur discours à ce sujet ? Comment justifient-ils l'association de l'histoire et du comparatisme ? Affinité intellectuelle ou stratégie universitaire ? 

Constatant par ailleurs que les comparatistes ont fréquemment une certaine ouverture à l'égard de ce qui est qualifié de « sciences sociales » au XIXe siècle et qui exclut souvent le droit, il pourrait être intéressant de porter son attention sur les liens entre comparatisme et science sociale, en particulier comparatisme et sociologie, comparatistes et sociologues. 

La naissance d'une discipline a toujours un aspect multifactoriel. Elle tient souvent à la conjonction de plusieurs éléments. Qu'en est-il du droit comparé ? À partir de quel moment bascule-t-on d'une méthode intuitive ou informelle à l’institutionnalisation ? Ici, des communications portant sur l'enseignement du droit comparé peuvent être les bienvenues, mais aussi des recherches sur les supports éditoriaux ayant promu le comparatisme et sur lesquels la discipline a pu s'adosser. Quelle est la place accordée au comparatisme dans les revues juridiques ? Quels sont le profil, les aspirations, les projets de celles qui notamment aux XIXe et XXe siècles ont pour ligne éditoriale le comparatisme (la Revue de droit international et de législation comparée par exemple) ? Les académies et sociétés savantes qui servent fréquemment de cariatides à à l’édification d'une discipline peuvent aussi être l'objet d'attention, au premier chef la Société de Législation comparée. 

Notes
1. René David, Traité élémentaire de droit civil comparé, Paris, L.G.D.J., 1950, p. 3 
2. Cf. notamment The Oxford Hanbook of Comparative Law, les travaux de Jean-Louis Halpérin, Sylvain Soleil Christophe Jamin, Horatia Muir Watt, F.rédéric Audren, Jean Hilaire. Cf. également les études sur Édouard Lambert et Raymond Saleilles. 
3. Muir Watt, «La fonction subversive du droit comparé», Revue internationale de droit comparé, 2000-3, p. 503-527. 

Pratique
  • Les propositions de communication doivent contenir un bref résumé de la communication (2.000/3.000 caractères) et montrer en quoi cette dernière s'insère dans un, ou plusieurs, des axes proposés. 
  • Elles doivent être envoyées à: lecomparatisme@gmail.com avant le 15 octobre 2014
  • Elles seront anonymisées et soumises au comité scientifique. 
  • Les communications ne devront pas dépasser la durée de 20 minutes. 
  • Le colloque aura lieu à la Faculté de Droit de l'Université Paris Descartes, les mercredi 6 et jeudi 7 mai 2015. 

Comité d'organisation : 
  • Jean-Baptiste BUSAALL (Université Paris Descartes) 
  • Fatiha CHERFOUH (Université Paris Descartes) 
  • Gwenaël GUYON (Université Paris Descartes) 
Comité scientifique : 
  • Francesco AIMERITO (Université du Piémont Oriental «Amedeo-Avogadro») 
  • Frédéric AUDREN (CNRS, Sciences Po. Ecole de droit) 
  • Nader HAKIM (Université Montesquieu-Bordeaux IV) 
  • Jean-Louis HALPERIN (ENS) 
  • David KREMER (Université Paris Descartes) 
  • Horatia MUIR WATT (Science Po. Ecole de droit) 
  • Anne ROUSSELET-PIMONT (Université Panthéon-Sorbonne-Paris I) 
  • Sylvain SOLEIL (Université de Rennes I) 
  • Arnaud VERGNE (Université Paris Descartes) 
URL Institut d'Histoire du Droit de l'Université Paris Descartes: http://recherche.parisdescartes.fr/ihd