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15 déc. 2014

Univ Lyon 3, CLHDPP Appel à contributions, colloq. internat. "La Grande Guerre et son droit", Lyon, printemps 2016 (limite: 15 mars 2015)

Information transmise par D. Deroussin:
Université Lyon 3-Jean Moulin
Centre lyonnais d'Histoire du Droit et de la Pensée politique
Appel à contributions
Colloque international

La Grande Guerre et son droit

Lyon
printemps 2016
(limite: 15 mars 2015)


Présentation 

1914 marque le commencement des célébrations du centenaire de la Grande Guerre. Des expositions sont organisées ou prévues à l’Assemblée et au Sénat. A l’étranger, des initiatives ont déjà été prises ; en France, un GIP Mission du Centenaire a été créé en 2012, dans l'agenda duquel ne figurent pas, pour l'heure, de manifestations organisées au sein des Facultés de droit, tandis que, de son côté, la Société pour l'histoire des Facultés de droit organise à Paris fin 2014 deux journées consacrées à la guerre et aux Facultés de droit.

Si l’histoire de la guerre et de ses conséquences sociales, politiques, économiques ont déjà bien été documentées, on s’est peu occupé en revanche de mesurer l’impact de ce phénomène sans précédent sur le droit et ses acteurs (intensité de la production normative avant et pendant la guerre, influence de la guerre sur les acteurs du droit - entendus au sens large, législateur, juges et juristes). Un tel silence amène alors à se demander si la Grande Guerre n’aurait été, pour le droit et les juristes, qu’une parenthèse vite refermée. Tel est donc l’objet du colloque international que le Centre lyonnais d'histoire du droit et de la pensée politique accueillera à Lyon, au printemps 2016. Plusieurs axes thématiques pourront être envisagés :

1. Le droit privé en guerre :

L’expression droit privé serait ici prise dans un sens assez général, pour désigner l’ensemble des dispositifs juridiques (là encore, l’expression est volontairement vague, puisqu’il s’agit d’appréhender la réglementation –les différents décrets de suspension, prorogation, etc. …- mais aussi la législation et la jurisprudence) induits par l’impact provoqué par la guerre non seulement sur l’activité économique et la marche des affaires mais aussi sur la vie quotidienne des Français. Parmi d'autres, plusieurs thèmes se dégagent déjà : les contrats à l’épreuve de la guerre (force majeure, imprévision, etc. …) ; les relations de travail (y compris les questions de responsabilité) ; la justice et les procès face aux événements ; le droit des personnes (absence, droit des étrangers…) et de la famille (mariage, exercice de l’autorité, place et rôle des femmes). Entendu largement, ce premier axe pourrait également conduire à aborder l'étude des législations spéciales, notamment de la réglementation économique, à travers la mise en place d’une économie de guerre (y compris dans les colonies : existe-t-il dans les colonies une législation/réglementation spécifique assurant la mobilisation économique ?) et les diverses formes d'atteintes à la propriété privée en matière de brevets ou de propriété littéraire et artistique (cf. par exemple : I. Löhr, "Le droit d'auteur et la Première Guerre mondiale : un exemple de coopération transnationale européenne", Le mouvement social, 2013, n° 244, p. 67-80) ou de loyers.

Sans préjuger des thèmes qui seront étudiés, pourrait être retenue ici une distinction entre les solutions ou mécanismes (nouveaux ou non ? ponctuels ou durables ?) qui s’inscrivent dans le cadre d’une politique de poursuite/accompagnement de la guerre et ceux qui relèvent de l’impact de la guerre sur le droit.


2. Le droit public et les institutions en guerre :

Même si le rôle du Parlement a fait l’objet d’études récentes (en dernier lieu, cf. N. Rousselier, « Le Parlement français et la Première Guerre mondiale », Parlement(s), Revue d’histoire politique, 2008/2, n° 10, p. 13-30, qui reprend une contribution parue dans : J. Garrigues (dir.), Histoire du Parlement de 1789 à nos jours, Paris, A. Colin, 2007 ; cf. aussi F. Bock, Un parlementarisme de guerre, 1914-1919, Paris, Belin, 2002), il reste encore à faire, qu’il s’agisse d’analyser à partir de la pratique les conséquences induites par les circonstances sur le fonctionnement du système parlementaire, ou qu’il s’agisse d’étudier la littérature de l'époque (avant et après la guerre, lorsqu’elle cherche à en tirer les conséquences) et ses propositions d’aménagements institutionnels (par exemple : E. Pierre, Du pouvoir législatif en temps de guerre, Paris, 1890 ; P. Renouvin, Les formes du gouvernement de guerre, Paris, 1925). On cherchera ainsi à éclairer, d'une part, la manière dont l’Exécutif a pris en charge l’administration des affaires de guerre et ses rapports avec les organes législatifs, à propos desquels il serait sans doute souhaitable de s’intéresser aux comités secrets prévus par l’art. 5 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 ainsi qu'aux commissions chargées des affaires militaires (cf. notamment : A. Duménil, « La commission sénatoriale de l’armée et les militaires pendant la Grande Guerre », O. Forcade, E. Duhamel et al., Militaires en République, 1870-1962, Paris, Sorbonne, 1999, p. 313-323). La question de la multiplication des structures de gouvernement devra aussi être soulevée (création de sous-secrétariats d’État, de directions administratives, etc. …) comme, plus largement, celle des mécanismes utilisés (législatifs, administratifs). D'autre part, la question des rapports pouvoir militaire / pouvoir civil mériterait d'être soulevée, par exemple à travers le prisme de la distinction opérée par le décret du 28 oct. 1913 entre la conduite des opérations (confiée aux Généraux) et celle de la guerre, laissée aux pouvoir civils.


3. Législation et justice militaires

Ce dernier axe, en partie dans la mouvance du précédent, devrait permettre d'interroger l'élaboration de la législation militaire, sous l'angle moins des problématiques liées aux effets civils de la mobilisation et de l'absence quant aux contrats ou procédures judiciaires (axe 1) que des questions spécifiquement militaires, comme les conditions juridiques de la mobilisation elle-même, l’état de guerre (la mise en œuvre de l’état de siège -loi du 9 août 1849- et son articulation avec d’autres mécanismes liés aux « nécessités provenant de la guerre », notamment l’élargissement du pouvoir reconnu à l’Exécutif ou la part que prennent les décisions réglementaires en marge ou en place de la législation), les pensions militaires, etc…

Il aura, encore, pour objectif, d'apprécier le fonctionnement de la justice militaire (application du Code de justice militaire révisé en 1875, fonctionnement des conseils de guerre spéciaux institués par le décret du 6 spet. 1914, les pouvoirs concédés par Millerand à Joffre dès 1914,  la reprise en mains par le pouvoir politique à partir d'avril 1916, pratique du droit présidentiel de grâce, etc...) et la part de la répression politique, à travers par exemple la question du traitement réservé aux pacifistes/antimilitaristes, aux refus de la mobilisation, aux mutilations volontaires (rôle de la médecine militaire), aux mutineries, notamment après l'échec de l'offensive du Chemin des Dames, ou aux sabotages ; traitement par l'appareil d'Etat auquel sont opposées des justifications théoriques qu'il conviendra, également, d'analyser.


Tous ces questionnements doivent évidemment, quand ils s’y prêtent, être placés en regard, en aval, du conflit franco-prussien de 1870, pour déterminer dans quelle mesure ce dernier constitue un précédent ou au contraire pour vérifier l’originalité des dispositions mises en œuvre à partir de 1914, et, en amont, de la IInde Guerre mondiale, l'objectif étant de déterminer dans quelle mesure les événements de 1914-1918 ont durablement ou non influé tant sur la manière de produire le droit que sur son contenu (expansion des législations d'ordre public). Dans le même esprit, on pourra s’interroger sur le point de savoir si les choix opérés ne sont que des solutions envisagées sur le moment, de façon empirique, ou s’ils se réfèrent (pour les suivre ou s’en écarter) à des modèles fournis par, par exemple, soit par les précédents de la Révolution française (la référence révolutionnaire étant présente dans plusieurs discussions législatives, comme fondement des principes du « Droit » défendu par la France dans la guerre), soit par les principes républicains et parlementaires (à travers notamment la question du contrôle du Parlement sur les offices, qui se multiplient à la fin de la guerre de façon souvent désordonnée ; multiplication qui suscite, surtout dans l’entre-deux-guerres, la volonté d’assurer un meilleur contrôle financier du Parlement sur ces organismes). Peut-on parler de préparation juridique à la guerre (cf. les projets de L. Marin sur les dommages de guerre en 1910) ou bien la guerre survient-elle comme un événement imposant sa propre logique et conduisant les différents acteurs à innover et à créer de nouvelles solutions juridiques (ce qui semble être la thèse dominante, du moins pour la France) ?

De même faudrait-il interroger les catégories juridiques elles-mêmes à l’épreuve de la guerre : en quoi la mobilisation d’outils juridiques au service de la guerre se fait-elle en créant de nouvelles catégories ? Dans quelle mesure la guerre conduit-elle à un déplacement des catégories et des limites du droit. En matière économique notamment, le développement d’une législation interventionniste plus ou moins durable, liée à une politique industrielle pilotée par l’État fait intervenir, à côté d’Albert Thomas, juristes et économistes ; et si la guerre crée une situation exceptionnelle, donnant lieu à un régime d’exception (état de siège, mesures militaires spécifiques comme les réquisitions), elle permet aussi de faire passer des mesures autrefois combattues, en les présentant comme provisoires.

Il serait judicieux également de donner à ces questionnements une dimension comparative, avec l’Allemagne évidemment mais pas seulement (pourquoi, par exemple, les Anglaises ou certaines femmes canadiennes obtiennent-elles à la faveur de la guerre le droit de suffrage, alors que les Françaises en resteront durablement exclues ?), pour déterminer la spécificité (ou l’absence de spécificité) des solutions préconisées en France, de même qu’il conviendrait d’étudier tous ces dispositifs en métropole mais aussi dans les colonies. En 1914, l’entrée en guerre de la France ne se réalise en effet pas dans les mêmes conditions que celle de l’Italie par exemple ou de l’empire Ottoman, qui ont connu une période de « pré-guerre » qui a pu donner lieu à une première élaboration juridique de mécanismes liés à la perspective de l’entrée en guerre (au-delà du débat sur le service militaire), surtout au vu des réticences des grandes puissances à ratifier les mécanismes de la seconde conférence de la Haye (1907). A ce comparatisme inter-étatique pourrait d’ailleurs s’ajouter une comparaison à l’intérieur même de chaque État, dans la mesure où les différences de situation (juridiques, politiques, militaires) peuvent amener des solutions juridiques différentes ou élaborées par référence plus ou moins implicite à telle zone en particulier (par ex. la réparation des dommages concernant avant tout la zone de front, les mesures économiques sur la mobilisation des ressources, etc….). Comment ce traitement éventuellement différencié (ou ne s’appliquant de fait qu’à certaines zones) s’articule-t-il avec l’idée de solidarité nationale, omniprésente dans le discours des années de guerre et d’immédiat après-guerre, en France mais aussi à l’étranger ?

Enfin, last but not least, l’état de guerre et les dispositifs juridiques qui seront évoqués ont fait l’objet de descriptions et d’analyses, pendant et après la guerre, par des juristes (se pose alors la question du regard porté par la doctrine sur ce droit en guerre, ou encore du fonctionnement des Facultés de droit et de la place éventuellement réservée à l’enseignement de ces dispositifs) mais aussi par des non-juristes, dont l’opinion mérite évidemment d’être étudiée. La guerre est en effet, d'emblée, perçue comme un combat du droit (incarné par la France, héritière de la tradition juridique antique) contre la force (incarnée par ce germanisme, dont l'objectif n'est autre que la "subversion de la civilisation antique pour asseoir sur ses ruines le despotisme sans frein de la race supérieure", écrivait J. Flach, Le droit de la force et la force du droit, Paris, Sirey, 1915). Plus précisément, une typologie des attitudes possibles des juristes vis-à-vis de ce droit pourrait être dressée, par exemple en distinguant ceux qui le considèrent comme une situation provisoire, sans conséquences de long terme parce que lié à une situation spécifique de guerre et devant cesser avec elle, ceux qui estiment qu’il s’agit là d’une situation durable permettant enfin l’expansion de l’intervention juridique des autorités publiques, et enfin ceux qui espèrent voir là les prémices de la création d’un type de droit nouveau qui ne se rattacherait ni au droit privé/civil ni au droit public (thème du droit social par exemple, mais avec des prolongements importants dans l’entre-deux-guerres, à travers l’État administratif et le corporatisme).

Pratique
Les proposition de contributions sont à adresser avant le 15 mars 2015 à l'adresse suivante: david.deroussin@univ-lyon3.fr
Les propositions comporteront un résumé de 500 mots (maximum) de la communication et seront accompagnée d'un CV

Comité scientifique
  • J.-L. Halpérin
  • J. Humel
  • L.-A. Barrière
  • A.-S. Chambost
  • G. Richard
  • D. Deroussin.